Installé en gaec avec son frère en élevage laitier à Pollionnay dans le Rhône, Daniel Petitjean revient facilement sur ses débuts. «Avant d’être en gaec, je me suis installé sur une toute petite structure de 25 ha avec un quota de 50 000 litres de lait. Pour réussir, il fallait absolument que je réduise mes charges et que je comprenne mes chiffres.» Et c’est peut-être là que tout commence véritablement. A cette époque, il se définit lui-même comme quelqu’un de timide et plutôt réservé. Il rentre à l’Association de Formation Collective à la Gestion (AFOCG). Le travail s’effectue en groupe «et chacun prend la parole, personne n’est exclu. En plus de la gestion, cela m’a permis d’apprendre à communiquer, à écouter, à exposer et à partager des projets dans un groupe.» La communication et l’échange «c’est un peu devenu une passion.»
La place des cuma
Bien évidemment, les cuma tiennent une place importante dans la vie de l’éleveur, même s’il n’a pas grandi avec. «Je connaissais un peu les cuma car il y a eu une présentation rapide du modèle durant ma scolarité; mais j’en ignorais le fonctionnement et ce n’était pas dans ma culture.» Toujours dans l’optique de réduire les charges, l’idée d’acheter du matériel en commun a germé peu après l’installation, en discutant avec d’autres jeunes agriculteurs. «L’idée était d’acheter du matériel en commun. A l’époque on ne pensait pas cuma.» Mais en échangeant avec d’autres et en rencontrant l’animateur de la fdcuma du Rhône, la cuma de Pollionnay a démarré avec 7 adhérents et 2 matériels. Aujourd’hui, cette cuma est forte de 45 adhérents et autant de matériels. «Je ne comprends pas qu’aujourd’hui un éleveur puisse s’installer tout seul quand on connait les contraintes. En règle général, je ne comprends pas comment un agriculteur peut ne pas être en cuma. Quand on se retrouve seul dans son coin, on n’échange pas avec les autres et on n’avance plus.»
Accueillir et se faire connaitre
Aller à la rencontre des nouveaux agriculteurs est devenu quelque chose de naturel. «Quand un jeune s’installe dans la commune, on va toujours le voir pour lui présenter les cuma. Quand il est en élevage, on lui explique qu’avec les deux cuma, celle de Pollionnay et la cuma des Deux Vallées, il n’a besoin que d’un tracteur et d’un matériel pour la distribution de l’alimentation. Tous les autres matériels sont disponibles dans les deux cuma. Les différents projets des cuma sont aussi mis en avant. Aujourd’hui, près de 30% des jeunes qui s’installent ne viennent pas du monde agricole. Souvent, ils ont déjà travaillé en entreprise. S’il n’y a pas de projets qui répondent à leurs attentes, ils ne rejoindront pas les groupes et les cuma existantes mourront. Pour faire naitre des projets, il n’y a pas de secret, il faut échanger.»
L’échange, une marque de fabrique.
A partir du moment où il y a un groupe, il y a forcément un besoin. «Dans un groupe, chacun doit s’exprimer. Dans nos cuma, nous pouvons le faire, et c’est une force que n’ont plus les grosses coopératives où l’échange est devenu inexistant, mort. Mettre en avant les témoignages. Faire se rencontrer ceux qui ont mis en place un projet avec ceux qui ont un projet similaire. Mettre en avant les ressources humaines. Les cuma ont investi dans du matériel, des bâtiments; aujourd’hui, elles doivent investir dans l’humain et les groupes doivent se mettre en mouvement et échanger. Quand on se met tous autour de la même table, il en sort forcément quelque chose. Mais échanger cela s’apprend et bien sûr que les techniques existent.»
Savoir réfléchir ensemble
La technique, elle, passe par la formation. Un mot que beaucoup n’aiment pas entendre. «Il n’est pourtant pas synonyme de retour à l’école; mais c’est plutôt une appropriation d’outils pour réfléchir ensemble, savoir exposer des problèmes, des envies ou des projets et avancer. Il n’y a rien de péjoratif à faire une formation. Même s’il est vrai que la majorité des gens y vont en traînant les pieds, ils ressortent le plus souvent en disant que c’était utile. On a toute une vie pour apprendre. Quand on n’apprend plus, en général c’est qu’on est mort. Pour les cuma, aujourd’hui nous avons la chance d’avoir le DiNA. C’est un moment dans la vie d’une cuma pour se retrouver tous ensemble avec un intervenant extérieur et faire émerger les besoins. Beaucoup de réponses se trouvent dans la formation ou plutôt dans ce qu’on devrait appeler le savoir réfléchir ensemble.»