A la cuma des Verriers, dans l’Hérault, l’équipe emmenée par Raymond Llorens a vendangé une centaine d’hectares avec sa Brault 5080. Achetée il y a 2ans, la machine ne dispose pas d’équipement particulier (pas d’égreneur). Les rendements oscillent entre 500kg et 5tonnes par hectares. Sur ses 28ha, Raymond Llorens fait état d’un résultat moyen entre 20 et 25hectolitres/ha, «contre 90 d’habitude». Il estime la perte de récolte à 80% et attend le paiement de son assurance récolte.
80% de perte
Si l’hétérogénéité des grappes laissait présager une récolte compliquée, au final, les vendanges se déroulent sans problème… si l’on omet les très faibles quantités collectées. «A cause du gel, les grappes se sont formées à des moments différents et la floraison a été assez longue. On avait des grappes qui avaient fleuri et d’autres qui n’avaient pas commencé. D’où notre crainte sur l’hétérogénéité. Finalement, du fait du faible potentiel sur la souche, les grappes en retard ont accéléré leur maturation et compensé. Ça a permis d’avoir une récolte assez qualitative et homogène», détaille-t-il.
Pas de souci du coup pour régler les machines à vendanger, «les grappes tombent très bien.On risque par contre d’avoir des soucis pour la taille l’année prochaine: les bourgeons sont partis dans tous les sens. A certains endroits, ça n’a pas démarré… ça va être compliqué. Nous y verrons plus clair quand les feuilles seront tombées, on aura une idée réelle des difficultés pour la taille de l’année prochaine».
Charges fixes inchangées
Quel que soit le prix de vente, le rendement ne devrait pas permettre aux viticulteurs d’atteindre le seuil de rentabilité. «Pour la cuma, les charges fixes restent les mêmes par définition. Les charges variables -carburant et réparations-, dont on estime qu’elles atteignent un quart du total, diminuent légèrement seulement car il faut quand même vendanger. Sur 1ha on gagne 20€, car les tracteurs s’arrêtent moins pour vider mais la machine, elle, passe malgré tout.»
Loir-et-Cher: gel, puis grêle
Dans le vignoble de Cheverny, Alain Chéry, président de la cuma viti-vinicole déplore une récolte très décevante: «Les rendements tournent autour de 650l/ha alors qu’ils peuvent aller jusqu’à 6.000l.» L’épisode de gel a été très sévère sur son exploitation qui compte 14ha de vigne. De plus, la grêle tombée sur ses parcelles le 9 août dernier, a plombé encore davantage les espoirs de rendements. Sans parler de la dégradation de l’état sanitaire du vignoble. Tous les viticulteurs de la cuma sont logés à la même enseigne. Le moral est donc en berne après une précédente campagne 2016 qui n’était pas fameuse non plus. L’impact est économique et commercial aussi. Certains producteurs peineront sans doute à honorer toutes les commandes de leurs clients compte tenu des faibles stocks de bouteilles disponibles dans les chais. Dans la zone, on redoute même des cas de cessations d’activité.
Difficultés en cascade
«Les conséquences touchent aussi tous les structures qui gravitent autour: les fournisseurs (bouteilles, bouchons, étiquettes …), les transporteurs, les vendeurs de matériels, la cave coopérative et la cuma avec laquelle nous avions renouvelé notre machine à vendanger en 2016 entre six adhérents. Or, l’investissement avait été calculé sur des volumes beaucoup plus importants.» La récente Fête des Vendanges de l’AOC Cherverny et Cour Cheverny qui s’est déroulée avec succès le 9 septembre, a redonné un peu de baume au cœur des producteurs. La présence d’Alain Souchon et de Maxime Leforestier ayant contribué a drainer un public très nombreux. L’occasion de promouvoir les vins du cru.
L’essor des tours antigel
Pour l’avenir, de nombreux vignerons, comme Alain, envisagent d’investir dans des moyens de protection contre le gel. A défaut d’obtenir des autorisations de forage pour développer des systèmes d’aspersion jugés efficaces, les réflexions s’orientent vers des tours antigel. Beaucoup d’installations ont déjà été mises en œuvre avec la cuma départementale Protectgel. Cette formule est en plein essor dans les vignobles du Centre Val de Loire. Sur le territoire viticole de Noyer-sur-Cher (Loir-et-Cher) qui compte déjà dix-sept tours, huit autres sont en projet. «Avec deux voisins, nous envisageons d’implanter quatre tours», explique de son côté Alain. Mais ces investissements pèsent lourd dans les budgets. Il faut compter environ 40.000€ HT l’unité (subventionné à 20%, 30% si c’est en cuma) auxquels il faut rajouter les coûts de montage et de terrassement pour la dalle et les chemins d’accès. Ces investissements risquent donc d’être échelonnés dans le temps étant donné les trésoreries dégradées des exploitations.
Ardèche: manque d’eau
En Ardèche, les viticulteurs ont sorti la machine à vendanger le 10 août, pour les blancs destinés aux vins effervescents. Soit deux semaines d’avance. «Notre appellation a subi un peu de gel et de grêle, explique Cyril Jaquin, mais c’est surtout le manque d’eau qui cause des dégâts. J’estime la perte pour moi entre 30 et 50%.» Les raisins assoiffés sont de surcroît plus difficiles à décrocher par la machine. La cuma La Condamine, à laquelle il adhère, cale ses chantiers sur le planning d’apports de la cave coopérative. «Nous fonctionnons sur la base d’un engagement journalier de vendange avec la coop. En ce moment, nous commençons à 4 heures du matin et nous arrêtons à 16 h pour maîtriser les températures.» Vu les faibles rendements, le transport du raisin se fait facilement, sans attente à la réception. Cyril Jaquin s’attend à une fin de vendange vers le 20 septembre, soit un mois plus tôt qu’en 2016. «Chez nous, la saison est toujours étalée car nous avons des cépages très diversifiés dans l’IGP Ardèche. C’est un plus pour organiser les chantiers.»