Les dons sur Fundovino sont élevés et, selon Stéphane Riss, l’un des cofondateurs, même les échecs y sont fructueux. Plongée au cœur de la « love money », l’argent qui finance des projets « coups de cœur ».
Quand a été créé la plateforme ?
Fundovino a été créée il y a deux ans par une bande d’amis amateurs de vins et de gastronomie.
Qui sont vos actionnaires ?
Nous sommes 6 particuliers qui avons investi de la “love money” dans Fundovino, des personnes qui ont cru au projet. Nous sommes dotés de compétences très complémentaires: un négociant en Bourgogne, un restaurateur, un expert en marketing et un en communication digitale). Nous envisageons assez rapidement un comité d’experts plus structuré.
Quelle est la ligne défendue par la plateforme ?
Du qualitatif, tant dans les vins (que nous goûtons), que dans la manière dont le vigneron travaille ses vignes. Etant passionnés de vin et gastronomie, nous défendons des vignes vivantes, propres. On ne va pas soutenir des sols lunaires. On ne se dit pas “on ne va faire que des vendanges à la main”. Ce n’est pas la technique qui nous oriente. Et on goûte les vins: la piquette ne nous intéresse pas. Ce qui n’exclut pas les vins de table, du moment que nous sommes sur du qualitatif.
Quelle est la proportion de projets agricoles sur Fundovino ?
Tous sont liés à la filière viti-vinicole. La palette est assez large cependant : nous avons une rubrique ‘autres alcools’ : si demain on a du cognac, de l’armagnac, du whisky, on y réfléchira bien sûr. Nous avons eu un projet plus culturel, avec le financement de la réédition de l’encyclopédie des cépages de Pierre Gallez. Nous avons aussi eu un projet lié à la traction animale.
Combien de dons avez-vous récoltés ?
En 2 ans, nous avons levé 203638€ sur 20 projets, soit en moyenne 8363€/projet.
Quel taux de succès affichez-vous ?
50%. Cela dit, même en cas d’”échec”, certains constatent que FundoVino leur a donné une visibilité et leur a permis de consolider leur base clients. On a des vignerons qui n’ont pas réussi à aller jusqu’au bout du financement de leur projet mais qui ont constitué un vivier de fans qui avaient déjà entendu parler du projet, et qui sont devenus des clients et soutiens. Ils ont en fait consolidé de la base client. Des vignerons ont compris que la plateforme est surveillée. A partir du moment où le projet fait du buzz, c’est de la visibilité.
Vous parlez de « client » et non de contributeur ?
· Lorsque les personnes soutiennent un vigneron chez nous, elles savent déjà qu’elles auront des bouteilles, des primeurs. Elles prennent ce qui les intéresse et mettent plus que 20€. C’est pour elle la possibilité d’avoir de bonnes bouteilles, à moins cher que si elles étaient passées par un caviste. Elles se disent « J’ai soutenu, ça me permet de découvrir ». Pour le moment, un fundoviner ne fait pas de la philanthropie. Cette personne qui a soutenu, soit elle connaît déjà et adhère à la démarche ou qui en a entendu parler, et cette démarche lui permet d’accéder à des cuvées qui ne sont pas en vente.
Pratiquez-vous le don, le prêt ou les deux ? A combien s’élèvent les donc en moyenne?
Pour l’instant nous fonctionnons sur le don/contre-don. La valeur moyenne d’un don atteint entre 100 et 120€. C’est plus élevé que sur les plateformes généralistes qui atteignent plutôt 30-40€.
Comment se rémunère votre plateforme ?
C’est du « tout un rien »: soit l’objectif est atteint, soit non. Ça motive plus les vignerons. Nous prenons une commission de 8% du montant, sachant que 5% nous revient et 3% au partenaire bancaire.
Quels sont les frais à la charge du porteur de projet ?
Aucun, à part les 8% et temps passé à préparer et animer les communautés des fundoviners. Pour certains un peu de pub sur Facebook, donc ça peut aller jusqu’à 150-200€ maximum. C’est du marketing light.
Pourquoi les viticulteurs font appel à vous ?
C’est une demande du terrain. On est sur un microsillon, celui de la filière viti-vinicole, parce qu’on a eu des demandes de vignerons qui étaient sur Ulule ou KissKissBankBank, qui se sentaient noyés dans la masse des projets.
Certains vignerons sont également précurseurs, ils ont compris que c’est un levier de visibilité pour eux. Pourquoi? Ils ont eu des retombées presses, télé, radio, et du buzz sur les réseaux sociaux, sans que ça leur coûte quoi que ce soit.
C’est aussi une manière de trouver des financements alternatifs. Beaucoup de vignerons ont un taux d’endettement supérieur à ce qu’une banque permet. De cette manière ils peuvent continuer à grossir et continuer à investir, acheter du matériel, replanter, mettre un écosystème dans une vigne, maintenir la dynamique des investissements.
Quels sont les principaux critères auxquels doivent répondre les porteurs des projets ?
On regarde la portée sociale de chaque vigneron et sa notoriété. Les porteurs de projets doivent se rendre compte que nous ne sommes pas le Père Noël: nous leur demandons une implication auprès de leurs clients (via des emailings), sur les réseaux sociaux. Tous les projets qui dépassent les attentes -et cela arrive parfois largement-, le font grâce à une implication sans faille des viticulteurs. Les gens ont besoin de se sentir concernés. C’est donc aux vignerons d’utiliser les bons arguments.
L’un de nos viticulteurs a levé 28000€ en un mois et demi, il s’est rendu accessible, a donné des nouvelles, organisé une réception pour les “Fundoviners” et a continué à les alimenter en nouvelles après. A partir du moment où le client est satisfait il devient un ambassadeur.
Quel accompagnement proposez-vous ?
Nous expliquons au porteur de projet quels sont les leviers de la réussite. Avant, constituer une page fan et alimenter en contenu pour faire connaître le Domaine. Ne pas partir de zéro. Certains sont déjà en avance de ce côté.
On accompagne le porteur de projet dans la mise en place de l’échelle des contreparties pour qu’elles soient les plus attrayantes et cohérentes.
Pour certains on arrive à faire des vidéos pour mettre en scène leur domaine. Sinon on leur explique comment filmer et ensuite on fait le montage. Ils nous fournissent les rushes et on crée l’histoire. Avec un smartphone, tout est en HD, il faut juste qu’ils fassent attention au son. Généralement on arrive à avoir de la matière pour illustrer un projet.
Comment vérifiez/garantissez-vous que les fonds sont bien utilisés ?
Il s’agit d’un contrat moral entre le porteur de projet et les donateurs. Fundivino s’engage sur la sélection des dossiers et vérifie que les entreprises se portent bien, ne sont pas en dépôt de bilan. Une fois, un retard car le projet a pris un peu de retard et le vigneron ne communiquait pas donc les Fundoviners nous ont interrogé à ce sujet, mais tout est rentré dans l’ordre. Mais Fundovino n’est pas garant de cet engagement, ça appartient aux conditions générales d’utilisation. C’est un risque minime. Jusqu’à présent il n’y a eu aucun problème de ce type.
Pensez-vous être bien référencés sur internet?
Ces chiffres sont confidentiels. Je peux dire que nous avons une communauté de 2600 fans sur Facebook et une bonne portée internationale parce qu’on est bilingues, et les premiers en Europe et dans le monde à le faire.
Combien de salariés travaillent sur la plateforme ?
On est 3 personnes opérationnelles, nous passons notre temps dessus. Nous réfléchissons à renforcer l’équipe.
Sur quelle zone travaillez-vous ?
France et Europe pour le moment mais c’est complexe au niveau des frais d’expédition. Si les viticulteurs ont un relais logistique on peut s’arranger pour aller plus loin. Nous étudions la possibilité d’élargir car nous sommes les premiers au monde sur ce concept.
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