Éleveur en avance sur les chercheurs (1), Jean-François Conan travaillait auparavant en pure Prim’ Holstein. «Je n’avançais pas», se souvient-il. Trop de mammites, de boiteries… Les maux persistaient malgré le travail de sélection. Et autant de tâches supplémentaires pour isoler, soigner… tandis que l’impact du poste des dépenses vétérinaires sur la marge de l’atelier s’élevaient à 20€/1000l. L’éleveur a alors décidé de mettre en œuvre ce moyen d’améliorer la santé dans le troupeau. Dans le même temps, il engageait son entreprise vers l’agriculture biologique. Aujourd’hui, Jean-François Conan consacre 9€ aux frais vétérinaires pour vendre 1000l de lait. Une diminution du poste, à l’image de la réduction des charges d’une manière générale.
Mono-traite en début de lactation
Avec la Jersiaise, du sang scandinave et la Montbéliarde, le troupeau, 100% Holstein il y a encore dix ans, a pris des couleurs. La productivité individuelle s’est considérablement réduite: de 8000l au point initial, les vaches sont à moins de 5000l aujourd’hui, mais «sans concentré et avec de la monotraite au printemps.» Or, c’est le moment où le principal lot entre en lactation. Le choix de la monotraite, Jean-François Conan l’a fait dans un but de simplifier l’organisation du travail à cette période chargée. Il est renforcé par la distance que doivent parfois couvrir les animaux pour accéder au pâturage (avec un siège d’exploitation excentré). Jean-François Conan constate aussi, par exemple, qu’en écrêtant ainsi le pic de lactation, il limite le déficit énergétique des vaches lors de la mise à la reproduction.
Produit maintenu, charges en baisse
En dépit de la baisse du volume livré, le produit ‘lait’ s’est maintenu, «aux environs de 180 000€», à la faveur du prix du lait bio. «Je n’ai plus non plus de pénalités», poursuit l’éleveur qui pratique le topping, recourt à des vaches nourrices pour l’élevage des génisses, et travaille sur la flore de ses prairies. Sur les 80ha accessibles, le ray-grass cède du terrain à une base dactyle-fétuque.
Son système, l’éleveur de Guilligomarc’h l’a mis sur pied au contact du groupe herbager du Finistère. «Nous sommes environ 25 élevages, nous échangeons et ça fait avancer les choses.» Jean-François Conan a aussi valorisé les voyages du groupe au Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande pour découvrir des techniques et les adapter. «Un déclic.»
Croisement 4 voies
Le croisement de races rend son système efficace. Chacune apporte ses qualités et l’ensemble bénéficie de l’hétérosis (2). «La Jersiaise est la meilleure pour valoriser l’herbe.» La Scandinave est un atout pour la santé: «Là-bas, l’administration d’antibiotiques est réservée aux vétérinaires, donc les éleveurs ont orienté leur sélection en conséquence.» La Montbéliarde apporte de la force et ses qualités relatives au taux cellulaire ou à la valorisation des veaux. En pratique, l’éleveur accouple chaque femelle avec un mâle de la race la plus éloignée de son génotype. Et quand il sait que le futur nouveau-né ne sera pas conservé pour l’amélioration du troupeau, il utilise la Blanc-bleu.
Efficacité économique
Dans le groupe des élevages herbagers engagés dans ce type de pratiques (GIEE « Explorons la diversité »), «l’efficacité économique est au rendez-vous», défend Isabelle Pailler, conseillère lait à la Chambre d’agriculture du Finistère et animatrice du groupe, en détaillant quelques uns de leurs indicateurs moyens: 45% d’EBE/produit brut, l’hectare de SFP valorisé par une marge brute de 1980€ et un revenu mensuel disponible légèrement supérieur à 3000€.
(1) L’Inra, notamment, travaille sur le croisement des races laitières et a présenté avec l’Institut de l’élevage des résultats d’étude sur le sujet aux dernières journées 3R. Á lire ici.
(2) Accroissement de vigueur générale, observé chez les produits de deux lignées, de deux races, de deux sous-espèces ou même de deux espèces distinctes (Larousse.fr).