Le développement du semoir multitrémies ne date pas d’hier. Les adeptes du semis direct les ont adoptés depuis de nombreuses années, avant tout pour mettre en œuvre la fertilisation au semis. « L’absence de travail du sol ne permettant pas de piloter la minéralisation, l’apport d’engrais est incontournable en semis direct », illustre Alexis Guilloton, chef produit chez Sky. Disposer de plusieurs trémies sur son semoir offre d’autres avantages, comme l’implantation de cultures associées, de mélanges de couverts ou encore de mélanges variétaux. Le développement de ces pratiques a ainsi amené les constructeurs à décliner les solutions multitrémies sur des modèles dédiés au semis simplifié, mais aussi, plus récemment, sur les combinés de semis pneumatiques.
Semoir multitrémies : flexibilité et performance

Le semoir multitrémies Kverneland e-drill maxi plus peut lui aussi compléter sa double trémie d’un réservoir additionnel de manière à apporter un troisième produit à la volée en complément de la dépose différenciée des deux premiers.
Si plusieurs modèles à trémie arrière peuvent en bénéficier, le multiproduit est davantage déployé sur les trémies frontales. Celles-ci pouvant être valorisées sur d’autres tâches en association avec un semoir monograine, un outil de travail du sol ou une bineuse.
Dans la plupart des cas, ces semoirs embarquent une trémie principale compartimentée. Grâce à une paroi déplaçable, le volume des deux cuves peut être modulé, le plus souvent avec des ratios de 50/50, 60/40 ou 70/30, certains modèles allant jusqu’à 95/5. Chacune dispose de son propre doseur de façon à gérer indépendamment la dose de semence ou d’engrais qu’elles contiennent. Certains semoirs peuvent recevoir une troisième, voire une quatrième trémie de petit volume, disposant aussi de leur propre distribution adaptée aux faibles dosages.
« Les agriculteurs qui ne souhaitent utiliser leur deuxième trémie que pour des petites graines ou de l’antilimace, peuvent se contenter d’un appareil à simple trémie complété d’une petite trémie. Ce serait en effet dommage d’opter pour une double trémie et de se limiter l’autonomie en ne remplissant que très partiellement le second compartiment », observe Jean-Luc Farges, chef produit chez Lemken.
La dépose unique plus répandue
Dans la configuration la plus répandue, la moins complexe et donc la moins onéreuse, les produits issus des différents doseurs sont mélangés puis acheminés dans le même circuit pneumatique jusqu’à l’élément semeur. La dépose de tous les produits s’effectue dans le même sillon en mélange. Elle est ainsi souvent qualifiée par l’anglicisme « simple shot » en comparaison ou « double shot ». Ce dernier utilise deux circuits indépendants pour acheminer les produits de manière différenciée jusqu’à l’élément semeur, où ils sont déposés au même endroit ou de façon différenciée grâce à deux descentes (profondeur ou décalage latéral).
La double dépose peut paraître séduisante, mais elle impose un surcoût et complexifie la mise en œuvre et l’entretien du semoir. « Si l’on met à part les appareils de semis direct, la simple dépose est majoritairement retenue, analyse Alexis Guilloton. Pour les outils principalement utilisés aux semis d’automne, elle permet de répondre à la majorité des pratiques liées au choix du multitrémie. »
Même profondeur pour le colza et la féverole
Le semis de céréales avec des mélanges variétaux peut en effet s’opérer à la même profondeur. L’important étant de doser précisément chaque variété. Il en va de même pour les semis de couverts ou de prairies multi-espèces pour lesquels on cherche à supprimer le phénomène de tri des graines observé quand elles sont mélangées dans une seule trémie.
Dans le cas du semis de plantes compagnes, l’association colza-féverole est la plus répandue. « À première vue, on serait tenté de semer la féverole plus profond que le colza. Mais comme on souhaite qu’elle lève rapidement pour couvrir le sol et qu’elle gèle dès le mois de décembre, il est préférable de la semer à la même profondeur que le colza », considère Alexis Guilloton.
Quant à la fertilisation au semis, « le single shot est parfaitement adapté pour l’apport de phosphore, sa faible mobilité imposant de le déposer au plus près de la graine. Pas de problème non plus pour apporter conjointement 10 unités d’azote sous forme DAP à l’automne », observe Damien Brun.
Le double-shot pour les semis de printemps
En revanche, la fertilisation azotée des semis de printemps complique la situation. « Dès lors qu’on emploie des doses d’azote importantes, il devient intéressant de déposer l’engrais à distance de la semence pour éviter les risques de brûlures », avertit Damien Brun. Le recours à un semoir double shot peut alors se justifier en fonction de la surface emblavée au printemps. « Les semis de méteils valorisent aussi des profondeurs de semis différenciées entre les céréales, les légumineuses ou les protéagineux », poursuit le spécialiste.
Les cuma regroupant plusieurs agriculteurs bio peuvent également avoir intérêt à recourir à la double implantation. « Les associations de cultures sont fréquentes en bio, mais aussi le semis une ligne sur deux pour augmenter l’écartement », illustre Alexis Guilloton.
En bio mais aussi en conventionnel, l’apport d’engrais organique sous forme de bouchons impose de doser de gros volumes. Disposer de deux circuits sera là aussi un avantage, en sachant que pour accueillir ces produits volumineux, la trémie frontale offre davantage de capacité. « Lorsque l’on doit doser des produits de densités très différentes dans les deux circuits, il est important que le semoir soit équipé d’un répartiteur d’air réglable de façon à envoyer beaucoup d’air pour le produit lourd, sans impacter le transport du produit léger », avertit Jean-Luc Farges.
Les différentes déposes du semis double shot
Les semoirs double shot utilisent deux circuits séparés pour le transport des produits issus des différentes trémies et doseurs. Cela impose notamment de doubler les têtes de répartition. La dépose différenciée des produits s’effectue de diverses manières selon les semoirs. Solution la plus couramment employée, notamment sur les combinés de semis, les deux descentes utilisent le même élément semeur. La première dépose se fait au niveau du ou des disques semeurs. Alors que la seconde se situe en aval à l’arrière du flux de terre, permettant une profondeur distincte.
Les appareils de semis direct ou simplifié utilisent plutôt un couteau ou un disque en amont de l’élément semeur principal. Cela permet de réguler la profondeur de dépose de l’engrais ou d’une autre semence. La fertilisation peut encore s’opérer au niveau des dents fissuratrices.
Quant aux semoirs à dents, leur pointe comporte deux sorties pour assurer un placement à deux profondeurs. Le double shot (ou le triple shot quand cela concerne un troisième produit) peut aussi s’envisager avec une rampe de semis à la volée (éclateurs). Cette rampe est placée à l’arrière des éléments semeurs. Celle-ci peut aussi s’intercaler au niveau des disques de travail du sol sur les appareils de semis simplifié. Elle peut également s’installer sur la trémie frontale.
Le semis de précision pour les céréales
Les semis de céréales peuvent désormais s’envisager avec un semoir monograine polyvalent comme l’appareil traîné Proceed de Värderstad. Celui-ci utilise un doseur pour chaque élément, comme sur un monograine classique. À la différence que ses éléments répartis sur deux rangées sont conçus pour offrir un écartement de 22,5 cm.
L’objectif du constructeur suédois est de semer tout type de cultures en utilisant tous les éléments pour les céréales. Il les utilise partiellement pour celles à plus fort écartement (colza, maïs, betterave, tournesol…).

Certains semoirs de semis simplifié, comme le Väderstad Spirit 800 C, offrent différentes configurations d’implantation du second produit. De façon à adapter la dépose en fonction de la stratégie de fertilisation.
Väderstad indique pouvoir réduire fortement la densité de semis des céréales, grâce à :
- l’interligne augmenté ;
- la régularité de placement des graines, aussi bien en profondeur que sur la ligne.
Le but est de maximiser les rendements.
Ce semoir dispose d’une double trémie. Il alimente en semence les doseurs des éléments ainsi que les descentes de fertilisation à l’arrière de ces derniers. Ce semoir de 6 mètres s’annonce toutefois très onéreux.

Le Horsch Pronto 6 DC est capable de gérer jusqu’à 4 produits et de les implanter sur trois horizons différents.
Un second constructeur s’est positionné sur ce créneau du semoir de précision. Horsch a en effet présenté en 2023 son concept Solus. Un appareil de 10 mètres disposant de 47 éléments positionnés en quinconce tous les 22,5 cm sur une seule barre de semis. Ce semoir traîné embarque une double trémie contenant 2 200 l pour la semence et 5 400 l pour l’engrais.
5 000 euros la double trémie
Sur un combiné de semis avec trémie arrière, l’option double trémie se situe aux alentours de 5 000 euros. En considérant un combiné de 3 mètres au prix catalogue de 35 000 euros, cela représente un surcoût de près de 15 %. Le passage au double-shot (doublage des têtes et des descentes) impose un surcoût supplémentaire assez variable selon les constructeurs.
Chez Lemken par exemple, l’option s’affiche à 894 euros pour un Combiné Solitair MR de 3 m. À cela, il faut ajouter 322 euros d’équipement sur la barre de semis pour gérer une implantation à deux profondeurs. Et pour ceux qui souhaitent gérer le jalonnage sur les 4 têtes de répartition, une rallonge de 1 482 euros sera nécessaire.

La trémie frontale Airboost d’Alpego propose une contenance de 3 200 l. Elle est répartie dans trois compartiments disposant chacun d’un doseur alimentant un seul ou les deux circuits pneumatiques.
Autre exemple concernant les trémies frontales. Chez Alpego, le surcoût pour passer d’une trémie simple AS-Pro à une trémie double Airboost est de 5 220 euros. Pour accéder au double shot, il faut opter pour une version à double canal qui impose 2 000 euros supplémentaires.
Quant à l’équipement double shot sur la barre de semis (doublement des têtes et des descentes), le surcoût s’élève à 7 100 euros. Ce coût supplémentaire concerne l’ajout de ces fonctionnalités. Pour une largeur de 4,50 mètres.
Pour plus d’information, retrouvez aussi cet article sur www.entraid.com :