Selon le principal syndicat agricole, la Coldiretti, près de quatre entreprises sur dix du secteur fruits et légumes est aujourd’hui en difficulté.
Leurs ventes sont en berne du fait du blocage de frontières et de la fermeture des cantines et des restaurants, un phénomène que n’a pas compensé la hausse des achats dans les supermarchés. Et les récoltes elles-mêmes sont mises en péril par le manque de main-d’oeuvre.
Au tout début des mesures de confinement, Floriana Fanizza, qui possède avec sa famille une ferme à Fasano (Pouilles, sud), s’est ainsi retrouvée sans personnel suffisant, une partie de ses employés préférant de ne pas venir travailler, craignant pour leur santé. La récolte de céleris a été perdue, tout comme celle des fanes de navets, désormais en fleurs faute d’avoir été récoltés.
Et la Masseria Mozzone est déjà « en retard » pour les semis de légumes devant être cueillis cet été. « Pour semer correctement, nous aurions besoin de sept à huit personnes. Nous espérons pouvoir les trouver, sinon nous serons contraints de réduire la production », souligne l’agricultrice de 41 ans.
Habituellement, 350.000 étrangers travaillent de manière saisonnière dans l’agriculture italienne. Mais selon la ministre de l’Agriculture, Teresa Bellanova, il en manque cette année « entre 250.000 et 270.000 ».
Régularisation massive ?
Un phénomène qui place dans une « situation dramatique » de nombreux agriculteurs, note la Coldiretti, qui souligne que 27% des journées de travail du secteur sont normalement réalisées par des étrangers.
« Il faut intervenir de manière urgente car sont déjà en cours les récoltes de fraises, d’asperges, d’artichauts, de fruits sous serre (comme les melons, tomates, poivrons…) » et d’autres vont bientôt débuter, comme les cerises, abricots, prunes, tomates…, souligne le syndicat agricole.
Le défi est important, y compris en terme d’autosuffisance alimentaire, la péninsule étant le troisième producteur agricole européen en terme de valeur (56,6 milliards d’euros en 2019), derrière la France (75,4 mds) et au coude à coude avec l’Allemagne (57 mds).
Alors que les Roumains représentent à eux seuls 110.000 des 350.000 saisonniers étrangers travaillant dans la péninsule, les autorités italiennes ont engagé des discussions avec l’ambassade de Roumanie pour tenter d’organiser des « corridors verts » en assurant qu’une fois sur place la sécurité sanitaire sera maximale.
La ministre de l’Agriculture a aussi lancé un pavé dans la mare, en se disant favorable à une régularisation massive des clandestins se trouvant en Italie, afin de faire repartir l’économie.
Seraient notamment concernés ceux travaillant dans le secteur agricole, où beaucoup sont soumis à la mafia et au « caporalato », forme moderne d’esclavage où des intermédiaires prélèvent une grande partie des maigres salaires versés.
La proposition a provoqué une levée de boucliers de l’extrême droite, Ligue de Matteo Salvini en tête, mais la Coldiretti s’y est dit très favorable.
Le Lac de Côme en moins
Pour lutter contre les difficultés de recrutement, le syndicat a d’ores et déjà lancé une plateforme en ligne « Jobincountry » (Emploi à la campagne), pour faire se rencontrer offres de travail et personnes disponibles, en particulier les saisonniers du secteur touristique, désoeuvrés en raison de la fermeture des hôtels et restaurants.
Comme si l’impact du coronavirus n’était pas suffisant, les agriculteurs italiens doivent aussi faire face à une sécheresse rarement vue à cette période.
Selon Meteo Expert, l’Italie vit son printemps le plus sec de ces 60 dernières années. Depuis le début de l’année, elle n’a reçu qu’un peu plus de la moitié des précipitations habituelles, créant un manque en eau équivalent au lac de Côme.
Dans les Pouilles, Floriana Fanizza commence à s’en inquiéter. « Cela fait longtemps qu’il n’a pas plu, les terrains sont arides, surtout pour le blé »: « On est dans une situation critique, on aurait besoin d’irriguer nos champs », souligne-t-elle.
Pour le moment, le gouvernement a débloqué un fonds de 100 millions d’euros pour soutenir les entreprises agricoles, auquel s’ajoute une enveloppe de 50 millions pour acheter des produits alimentaires et les distribuer aux plus pauvres, permettant à la fois d’aider les indigents, d’éviter un gaspillage mais aussi une chute des prix en retirant du marché des stocks.
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