Tâter ses tomates ou ses avocats, sentir son melon… Le confinement, imposé par les autorités de la plupart des pays européens pour endiguer la propagation du coronavirus, a bouleversé les habitudes de nombreux consommateurs.
« En temps normal, l’assortiment court et l’impossibilité de choisir et toucher ses fruits et légumes sont des freins pour de nombreux consommateurs », note dans une étude récente le spécialiste du marketing Nielsen. Mais désormais, même « les ventes de produits frais traditionnels explosent » en ligne.
La fermeture de nombreux marchés – jusqu’au 11 mai – et la volonté de minimiser les contacts humains ont converti de nombreux consommateurs aux emplettes numériques, que ce soit en livraison à domicile ou en drive. Selon une étude réalisée fin avril par l’institut Kantar et le cabinet de conseil PWC, 24% des Français ont collecté leurs courses alimentaires en drive, 7% en livraison à domicile, 3% en retrait dans un point de collecte piétons.
En outre, « les fruits et légumes représentent désormais 7,1% du chiffre d’affaires total du circuit » en drive, note encore Nielsen. Cette tendance ne devrait « pas se confirmer après la fin du confinement », quand il sera à nouveau possible de se rendre dans les marchés et, a minima, de regarder les denrées convoitées. Mais les achats en ligne d’autres types de produits alimentaires devraient perdurer.
Délégué général de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), Marc Lolivier relève que « certains consommateurs qui n’utilisaient pas internet pour leurs achats du quotidien auront pris de nouvelles habitudes pendant le confinement ». Sur les 1,2 million de foyers s’étant essayés au commerce en ligne, Nielsen a dénombré près de 500.000 retraités.
Le commerce alimentaire en ligne, grand gagnant de la crise ? https://t.co/wThhVIpPDK
— JC_D (@JC_DELAGE) May 6, 2020
Nouveaux clients, nouveaux commerçants
Les générations non « digital natives » se jettent à l’eau, abonde Edouard Nattée, directeur général de Foxintelligence, qui mesure l’activité des entreprises de e-commerce. Le nombre de « baby-boomers » (nés entre 1940 et 1959) achetant des denrées alimentaires en ligne a été multiplié par 5, celui de la génération X (nés en 1960 et 1979), par 2.
Or « on n’a jamais vu des taux de pénétration du commerce en ligne aller dans le sens d’une réduction », poursuit-il. « Le fait que ce soit de nouveaux segments de population qui se convertissent nous pousse à croire que la tendance va se maintenir ».
En outre, la crise a convaincu de très nombreux commerçants de proposer leurs services en ligne. A Angers, 200 enseignes du centre-ville ont lancé avec l’appui de la startup Wishibam et de la Chambre de commerce locale une « marketplace » numérique, promettant une livraison sous 72h.
La jeune pousse rouennaise Ollca, anagramme de « local », a fait voeu de faciliter la numérisation des artisans et commerçants de bouche, et explique « accélérer très fortement dans un contexte où toute notre activité prend son sens », selon son directeur et fondateur Victor Gobourg.
L’entreprise de 30 salariés, qui a mis en ligne une plateforme de commerce et propose de créer des boutiques en ligne en 48h, enregistre « une vingtaine de demandes par jour » de la part de commerçants de l’ensemble du territoire.
S’il anticipe une « envie de sortir, de retourner dans le monde réel » de la part des clients à l’issue du confinement, Victor Gobourg estime que le « click & collect », l’autre nom du drive, va continuer d’accélérer après le 11 mai.
L’un des points-clés du commerce alimentaire en ligne sera en tous les cas la question de l’accessibilité. Le cabinet de conseil PWC a relevé que 17% des Français « ont essayé de se mettre au drive et à l’e-commerce mais n’y sont pas parvenus, par manque d’accessibilité physique ou technique », qu’il s’agisse de saturation des sites de délais de livraison augmentés ou de paniers incomplets.
Edouard Nattée, de Foxintelligence, a aussi noté une augmentation générale des délais de livraison ou pour obtenir un créneau au « drive », qui ont pu décourager certains consommateurs… Mais « le solde sera à coup sûr positif », conclut Nielsen.
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