Quel rôle joue l’agriculture sur l’évolution du climat?
La production de nourriture utilise 37% de la surface de la planète (25% de prairies et 12% de cultures), à l’exclusion de l’Antarctique et de la pêche, selon un rapport du World Resources Institute (WRI) publié en juillet avec la Banque Mondiale et les organismes de recherche français INRA et CIRAD.
L’agriculture émet environ un quart des émissions de gaz à effet de serre produits par l’activité humaine, selon ce rapport: 14% viennent de la production agricole et 10% du changement d’affectation de sols, lorsque forêts et savanes deviennent des champs.
L’élevage est lourdement pointé du doigt avec les émissions de méthane des bovins, mais surtout la déforestation qu’il induit depuis le début de l’humanité.
Combien de personnes la planète devra-t-elle nourrir d’ici 2050?
Plus de 820 millions de personnes dans le monde souffrent actuellement de la faim. Et la demande mondiale en alimentation va augmenter avec la population, attendue à 9,8 milliards d’habitants en 2050 contre environ 7 milliards aujourd’hui. La hausse du niveau de vie devrait entrainer une demande accrue en viande, légumes et huiles végétales.
A conditions stables de productivité, le WRI a calculé qu’il faudrait 593 millions d’hectares de terres arables supplémentaires pour nourrir cette population. Le GIEC souligne qu’il faut aussi lutter contre le gaspillage alimentaire.
Que peut faire l’agriculture pour réduire le réchauffement?
Pour le WRI, il faudrait rendre à la forêt une bonne part des zones d’élevage de ruminants, afin de réduire les émissions en capturant plus de carbone, et augmenter les rendements pour arrêter d’étendre les surfaces cultivées, souligne Patrice Dumas, spécialiste de l’économie de l’environnement au CIRAD et modélisateur du rapport du WRI. Il admet que ce choix radical, qui fait la part belle à l’agriculture industrielle, aurait des impacts négatifs sur l’environnement et la santé (plus de pesticides).
Ces conclusions sont contestées par les tenants de l’agro-écologie et de l’agro-foresterie à la FAO, et les ONG comme Oxfam: ils misent sur une agriculture familiale et des mélanges d’activités pour recréer des écosystèmes agricoles durables.
Les prairies utilisées par l’élevage ont, d’ailleurs, un rôle positif reconnu pour le climat: elles sont classées parmi les meilleurs stockeurs de carbone dans les sols, avec les forêts, selon l’INRA.
L’érosion des sols agricoles contribue-t-elle au réchauffement?
Oui. L’érosion des sols par le labour, utilisé depuis des millénaires pour oxygéner la terre, dépasse de 10 à 100 fois le taux de formation de nouveaux sols, indiquait le pré-rapport des experts de l’ONU sur le climat réunis à Genève (GIEC).
« Dans les endroits trop travaillés, lorsqu’il n’y a plus de réserve de sol, et que la roche-mère apparaît après des centaines d’années de charrue, il y a moins de transpiration de l’eau, et moins d’eau libérée dans l’atmosphère », explique Paul Robert, ingénieur français qui a créé en 2018 la société Novalis Terra pour former agronomes et responsables de coopératives.
« Des régions australiennes qui étaient vertes il y a 200 ans sont aujourd’hui désertiques à cause de l’agriculture », selon lui. Au Sahara, le projet de reboisement de la « ceinture verte » sert à lutter contre l’avancée du désert en créant des micro-climats locaux pour essayer d’inverser la tendance.
« Ce qui est désastreux, ce sont les sols nus » qui favorisent les ruissellements, tassements et/ou déplacements de terrain, ajoute l’ingénieur.
L’agriculture « de conservation des sols », une solution?
L’agriculture de conservation des sols (ACS), largement utilisée aux Etats-Unis et au Brésil, est un système de culture qui permet au sol d’augmenter sa matière organique, d’améliorer sa fertilité, et de limiter l’érosion, en utilisant la nature et en ne laissant jamais les sols nus.
Elle requiert l’abandon du labour, la plantation de cultures intermédiaires comme les légumineuses porteuses d’azote pour enrichir le sol. Mais au moins une fois par an, elle nécessite un désherbant chimique de type glyphosate pour implanter une culture en semis direct sans labour.
L’INRA ne se prononce pas sur ce type d’agriculture en tant que tel, mais soutient les pratiques qu’elle induit: couverts végétaux, haies, réduction des intrants chimiques et semis direct, précisant que ce dernier est efficace seulement en climat sec. La rotation des cultures est aussi un impératif contre les dégâts des monocultures sur la biodiversité.
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