Avec la mauvaise barre de coupe, même la meilleure moissonneuse-batteuse du marché ne pourra garantir une bonne récolte des cultures. D’où l’importance de savoir comment choisir sa barre de coupe. Dans le dossier du magazine de juillet 2020, nous rappelions que la première étape consiste à identifier les surfaces à récolter. Et ce, pour chaque culture: été, automne, protéagineux, etc. Ensuite, les chevauchements des dates de récolte vont aussi avoir leur importance.
Comment choisir sa barre de coupe? 5 questions à se poser
1/ Quelle surface engager?
Selon Julien Herault, conseiller indépendant en agroéquipements, en tenant compte de l’amortissement et des charges variables, il faut plus de 180ha pour justifier l’investissement dans un équipement spécifique. «De mon point de vue, il ne faut pas dépasser un coût de 20€/ha». De plus, il précise qu’il ne faut pas seulement considérer l’annuité. En effet, «quand on ajoute la semaine passée en hiver à l’entretien les pièces et autres lubrifiants, on se rend compte qu’il pourrait souvent être plus intéressant de s’arranger avec un autre intervenant. Faire des heures avec la moissonneuse-batteuse c’est bien, mais à quel prix?».
Par ailleurs il tient à écarter une croyance répandue. « Non, les jours de récolte disponibles vis-à-vis du climat ne sont pas toujours orientés à la baisse !»
2/ Quels coûts d’équipement vs quels bénéfices?
Aujourd’hui une barre de coupe rigide se négocie 4.000€/m. En revanche, il faut compter un tiers de plus pour le prix d’une barre de coupe à tablier variable. Ensuite, le prix d’une barre de coupe à tapis est supérieur de plus de 50% (par rapport à une barre de coupe rigide). Enfin, s’il faut en plus lui ajouter des capacités de flexion, on pourra atteindre 8.000€/m. Reste à mettre en face le gain escompté en termes de récolte (quantité et qualité) et de débit de chantier. Un gain théorique, mais que les références permettent aujourd’hui d’apprécier sans gros risques.
Selon les constructeurs, le tablier variable permet de diviser les pertes en colza par cinq: de 3 à 0,6 % environ. «Pour des cultures basses (lentilles, pois, soja) une barre de coupe classique qui travaille à une vitesse comprise entre 4 et 6km/h peut générer 5 à 7% de pertes au sol. Les coupes flexibles ramènent ce chiffre autour de 1%. Avec un cours du soja à 380€/t et des rendements de 40q/ha, cela représente 60 à 80€ d’économies, indique ainsi Kevin Étienne chez John Deere France.
La coupe a tapis, elle, apporte un bénéfice en céréales avec des débits en augmentation de 10 à 15% » poursuit l’expert, qui met ainsi en exergue (dans la mesure où les coûts d’entretien des barres de coupe ne diffèrent pas dans une grande proportion) les variables à intégrer dans les calculs de rentabilité: cours de la culture, potentiel de rendement, coût horaire de la moissonneuse-batteuse et de son conducteur, qu’il conviendra d’estimer objectivement sur la plus longue période possible. Pas si facile avec un baril de pétrole en fluctuations constantes et l’évolution des structure d’exploitation donc des stratégies de mécanisation des adhérents.
3/ L’efficacité à n’importe quel prix?
Une barre de coupe classique n’a pas toujours la capacité de récupérer chaque grain. Mais est-ce vraiment souhaitable?
«Je connais une cuma qui ne baisse plus la coupe quand c’est vraiment plaqué au sol. Il y a plus à perdre qu’à gagner» relève Eric Canteneur, conseiller machinisme à la fdcuma de Vendée. Un choix jugé tout aussi pertinent par Guy Lazies (cuma Saint Clamens, Gers) à l’issue d’une saison durant laquelle la barre de coupe flexible Convio Flex a réussi à récolter les céréales versées au prix d’une usure importante. Plusieurs études ont aussi démontré que doubler voire tripler le seuil de pertes communément admis en céréales (0,5%) se révélerait économiquement plus intéressant (via les gains en débit de chantier et en consommation de carburant).
Ensuite, la récolte de surfaces très limitées peut souvent se réaliser avec un équipement déjà présent dans le parc. «C’est le cas des barres de coupe à céréales utilisées dans le maïs grain, ou de cueilleurs à tournesol qui s’y comportent encore mieux. La barre de coupe à tournesol aussi d’ailleurs, car il n’y a pas de risque d’enroulement autour des rabatteurs. Il faut seulement adapter les plateaux» remarque Julien Herault, avant de relever que les usages ne doivent cependant pas se télescoper. «Les attelages-dételages, et tout autre motif susceptible de faire perdre une demi-journée de travail en saison (par exemple le démontage d’un équipement adaptable tel que les rallonges à colza) pour passer de l’adhérent X à l’adhérent Y pourrait être une source de tensions». Si la cohésion du groupe n’a pas de prix, elle aura parfois un coût: celui de la barre de coupe spécialisée.
4/ La sécurité doit-elle primer pour choisir sa barre de coupe?
Le principal argument des barres de coupe repliables a longtemps été la rapidité du changement de parcelles. Notamment là où se trouvent les entrées les plus étroites. Mais on pourrait aussi leur ajouter celui de la sécurité. Car si certains conducteurs intervenant dans les secteurs les moins avantagés parviennent à réaliser la procédure de déconnexion des flexibles et cardan, dételage de la barre de coupe, attelage du chariot (ou inversement) en un temps record, pas si éloigné du repliage hydraulique sans quitter la cabine, c’est en grappillant chaque seconde disponible. Notamment au moment de gravir le marchepied. Que coûterait une cheville cassée en pleine saison ?
Par ailleurs, la sécurité routière peut aussi s’inviter dans le débat. Sachant que notre Code de la route impose à tout attelage routier de ne pas dépasser 18,75 m de long, un tracteur devra accompagner la moitié des moissonneuses-batteuses du marché qui ne peuvent plus tracter leur chariot sans enfreindre la législation. Mais la barre de coupe repliable se heurte ici, elle aussi, à une contrainte de poids. Ne pas dépasser 13 tonnes sur l’essieu avant.
5/ Faut-il retenir la plus grande largeur possible?
Enfin, aucun point ne fait autant consensus entre les spécialistes des moissonneuses-batteuses: les utilisateurs français retiennent une largeur de barres de coupe trop faible, au regard de la puissance et des performances des machines auxquelles elles doivent être attelées.
«Malheureusement, on juge encore trop souvent sa machine sur la vitesse d’avancement. Or, c’est toujours la coupe la plus large qui amènera la meilleure performance. En termes d’alimentation, mais aussi en termes de pertes de temps connexes dans les fourrières, note Julien Herault, formateur et conseiller indépendant en agroéquipements. De mon point de vue, réduire la largeur pour moins compacter relève aussi d’un mauvais compromis. Mieux vaut une barre de coupe trop large que pas assez» préconise donc l’expert. De plus, il rappelle que ce n’est pas le rendement en grain qui limite le débit d’une moissonneuse-batteuse. Mais davantage la quantité de paille.
4 barres de coupe à la loupe
En complément, pour affiner votre réflexion pour choisir votre barre de coupe, découvrez ci-dessous 4 types de barre de coupe analysés par des experts de la thématique.
1/ Barre de coupe flexible: ne pas négliger la préparation de sol.
2/ Barre de coupe à tapis: faut-il franchir le pas?
3/ Barre de coupe repliable: oubliez vos préjugés!
4/ Barre de coupe à tournesol: maîtriser l’égrenage par le réglage.