Le message est clair: « aucun camion Lactalis ne sortira de l’usine tant que nous n’avons pas été entendus », a lancé Philippe Jehan, président des Fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) de Mayenne devant un parterre d’agriculteurs venus de l’Ouest. Le responsable syndical a également menacé d’aller « retirer (des rayons) des grandes surfaces les produits Lactalis ». Peu après 23h00, aucun camion ne sortait ni ne pénétrait dans l’usine mayennaise de Lactalis, a constaté une journaliste de l’AFP. Le rond-point près de l’usine était totalement bloqué par une dizaine de tracteurs et la circulation était interrompue. L’action se déroulait dans le calme. Une dizaine de camions de CRS et une dizaine d’autres de gendarmerie étaient stationnés à proximité. Autour de l’axe routier, les Jeunes Agriculteurs (JA) avaient dressé un chapiteau afin d’accueillir tout le long de la semaine les agriculteurs qui doivent se relayer sur le site. Sur de nombreuses affiches, installées sur les camions et tracteurs, on pouvait lire: « Eleveurs à bout. Il faut lait sauver » ou encore « Notre métier a un prix ».
Les éleveurs mayennais ont entamé cette action à l’initiative des FDSEA (syndicat majoritaire) et JA. Les Mayennais seront relevés mardi matin par les producteurs de Bretagne. La Normandie et les Pays de la Loire assureront le blocus les jours suivants. Posté près de l’usine Lactalis avec son tracteur, Loïc est « déterminé à rester le temps qu’il faut ». Producteur depuis plus de 20 ans, il est venu exprimer son « ras-le-bol ». « Je suis né dans le métier, je n’ai jamais vu une crise aussi profonde », déclare le Mayennais au bord des larmes. Lactalis, qui met en avant une « crise de surproduction », s’est dit prêt à recevoir les organisations de producteurs pour discuter avec elles des prix du lait, a assuré sur France Inter Michel Nalet, porte-parole du groupe. « Le problème avec Lactalis, c’est que le partage de la valeur ajoutée n’est pas dans son ADN », assure Pascal Clément, président de la section laitière de la Fédération régionale des syndicats agricoles (FRSEA) du grand Ouest, qui pointe aussi « les résultats de plus en plus importants des industriels laitiers » alors que « les éleveurs laitiers sont dans une situation dramatique ». Ce mois-ci, le prix pratiqué par Lactalis est de 256 euros la tonne. Il était de 363 euros en juillet 2014.
On ne veut plus quémander
« Dans mon département, d’ici le 31 décembre, on a près de 14% des exploitations qui vont mettre la clé sous la porte. D’habitude, on a 2 ou 3% par an qui cessent leur activité mais là, 15%, c’est inimaginable, et ceux qui restent s’endettent. On ne peut pas continuer comme ça », exhorte Ludovic Blin, de la FDSEA de la Manche. Les agriculteurs de l’Ouest, « déterminés » à retrouver « des conditions économiques dignes », espèrent que leur mouvement fera écho dans d’autres régions, ce qui a été le cas lundi dans l’Aveyron. « On ne veut plus quémander. Nous, les agriculteurs, on veut vivre de notre métier mais en aucun cas on ne demande des aides à l’Etat. Ce qu’on veut, c’est que le médiateur des relations commerciales (…) puisse intervenir et mette autour de la table les interlocuteurs pour qu’on trouve un accord qui permette d’ici la fin de l’année d’avoir un prix raisonnable pour nos agriculteurs », a déclaré à l’AFP Philippe Jehan. « Le médiateur est à la disposition des parties pour engager cette médiation, engager cette discussion, retrouver les voies du dialogue », avait fait savoir en cours de journée le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. Pessimiste quant à l’avenir de la filière, M. Clément met en garde: « Si nos exploitations françaises disparaissent, on va se retrouver avec de grosses usines à lait comme aux Etats-Unis et en Allemagne. Ce n’est pas le modèle de la France laitière (…). C’est ce qu’on souhaite dire à Emmanuel Besnier », le PDG de Lactalis.
Changé (France), 22 août 2016 (AFP)
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