En 2007/2008, de nombreux pays d’Asie et d’Afrique avaient connu des émeutes de la faim après une augmentation brutale des cours des denrées agricoles alimentaires, notamment des céréales dont les prix avaient presque doublé.
Or le changement climatique laisse planer la menace de mauvaises récoltes simultanées dans les principales régions de production mondiales, ce qui pourrait empêcher de pallier les déficits d’une partie du monde en important depuis une autre, et pourrait donc causer le même type de conséquences, selon deux études dans la revue Nature Climate Change.
Dans la première, des chercheurs de l’institut IIASA basé en Autriche ont étudié les chiffres de production de l’Agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) pour de grandes zones de production (Etats-Unis, Argentine, Europe, Ukraine/Russie, Chine, Inde, Australie et Brésil) représentant, en 2012, 56% de la production mondiale de blé, 56% de celle de maïs, 73% du soja et 38% du riz.
« une augmentation significative de la probabilité »
Pour les trois premières cultures, l’analyse montre « une augmentation significative de la probabilité » de mauvaises récoltes liées au climat dans plusieurs régions productrices en même temps, expliquent les auteurs.
Ainsi pour le soja, qui supporte mal les températures supérieures à 30 degrés: 1,2% des journées ont dépassé ce seuil dans toutes les principales provinces de production chinoises en même temps sur la période 1967/1990, contre 18,4% sur la période 1991/2012.
Si toutes les régions productrices de soja dans le monde subissaient de tels aléas en même temps, les pertes de production pourraient s’élever à 12,55 millions de tonnes, contre 7,2 millions en 88/89, une des pires années enregistrées, calculent les auteurs.
« Les chocs climatiques subis par la production agricole contribuent aux pics de prix et à la famine et pourraient déclencher d’autres risques systémiques, comme des troubles politiques ou des migrations », avertit l’auteure principale, Franziska Gaupp.
un risque « multiplié par 20 »
Dans une autre étude, des chercheurs, notamment de l’Institut sur le changement climatique de Potsdam (Allemagne), mettent en garde sur un risque « multiplié par 20 » de canicules simultanées affectant des zones de production de l’hémisphère Nord, en raison de modifications des régimes des « courants-jet » (ou jet stream), vents de très haute altitude qui jouent notamment un rôle important dans la formation des dépressions.
Des événements qui pourraient toucher en même temps des zones représentant jusqu’à un quart de la production mondiale, selon les chercheurs.
« Nous allons voir de plus en plus de canicules de plus en plus sévères frappant des régions différentes en même temps. Ce qui peut affecter la disponibilité en nourriture non seulement dans les régions affectées mais dans des régions plus lointaines qui peuvent enregistrer pénuries et augmentations des prix », relève Jonathan Donges, un des co-auteurs.