« Les bacs d’eau se vident à vue d’oeil », constate Luc Smessaert, éleveur laitier dans l’Oise et vice-président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Ses vaches ont un accès illimité au pré, mais ne sortent pas avant 20H00. « Au-delà de 25°C, elles sont en stress », explique-t-il. « Le plus important, c’est la qualité et la quantité d’abreuvement, souligne Bertrand Guin, vétérinaire rural. Les animaux vont se mettre à l’ombre, boivent plus. La digestion augmente la température du corps, d’où une perte d’appétit. »
Selon lui, une vache laitière doit boire entre 100 et 120 litres d’eau par jour. Les coups de chaud restent rares. « C’est surtout chez les amateurs; les éleveurs font attention à leurs bêtes. » Ils peuvent concerner les veaux, qui n’ont pas le réflexe de se mettre à l’ombre. Le vétérinaire conseille de les garder à l’abri.
Matelas à eau
« On renforce la surveillance », témoigne Luc Smessaert. L’éleveur a installé quatre gros ventilateurs dans les salles de traite, qui tournent jour et nuit depuis deux semaines. « C’est aussi une période avec beaucoup de mouches et de tiques, il faut rester vigilant », ajoute-t-il. Rémi Desbles, éleveur de vaches laitières en Ille-et-Vilaine, complète : « je suis obligé de les rentrer la journée, sinon elles restent sous un arbre à l’ombre et ne se déplacent pas pour boire. »
Fabienne Biscarat, éleveuse en Haute-Loire, asperge ses 70 vaches avec un nettoyeur haute pression pendant qu’elles attendent la traite sous 37°C. Si elle ne quittait pas l’exploitation l’année prochaine, elle aurait investi dans des brumisateurs.
Autre solution pour rafraîchir les bêtes, des entreprises ont créé des matelas à eau. « On récupère l’eau fraîche d’une source à proximité, qui circule dans des poches via des canules », explique une porte-parole de Bioret agri, société française à l’origine du matelas Aquaclim. Il faut compter environ 350 euros par vache pour un matelas d’1m20 de large. « Il y a beaucoup d’éleveurs qui n’ont pas les moyens », commente Fabienne Biscarat. « C’est un investissement, mais ce sont des techniques qui vont arriver », estime Luc Smessaert. « On travaille à trouver des bâtiments mieux adaptés au réchauffement climatique », explique-t-il. Par exemple, arrêter d’utiliser des tôles translucides, mieux isoler les toits, ou installer des filets brise-vent. Des échangeurs d’air permettent de réduire la température de 4 à 5 degrés. Aujourd’hui ces installations sont intégrées dès la construction, a indiqué la présidente de la FNSEA Christiane Lambert.
Moins de revenus et plus de coûts
En plus de leur bien-être, la chaleur affecte la production des vaches. « Elles mangent moins, donc fournissent moins de lait », explique Rémi Desbles. Jusqu’à quatre litres en moins par vache et par jour, estime-t-il. Leur importante consommation d’eau joue aussi sur la qualité du lait, qui devient moins riche.
Luc Smessaert craint un manque de fourrage. « L’herbe est en train de brûler, on va devoir utiliser le foin prévu pour l’hiver », détaille-t-il. Il estime entre 10.000 et 20.000 euros la perte pour les agriculteurs à cause du manque de fourrage. « La FNSEA appelle à la modération des prix », continue-t-il. Le syndicat a engagé une opération « paille de solidarité » entre départements.
Le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a rappelé dans un communiqué l’interdiction du transport d’animaux vivants quand la température dépasse les 30°C, prévue par le règlement européen CE 1/2005. « Une déception », pour l’ONG CIWF France, qui milite pour le bien-être des animaux d’élevage. « Il n’y a pas d’arrêté, contrairement à ce que le ministre a affirmé », se plaint-elle, en référence à l’annonce par M. Guillaume d’une interdiction du transport d’animaux vivants sur le plateau de BFMTV jeudi.