« Les vaches n’aiment pas la chaleur, elles cherchent le moindre coin d’ombre. Une telle température sous une peau de cuir comme ça, c’est compliqué, du coup les animaux ont besoin de boire beaucoup plus, et mangent moins », explique Luc Smessaert, éleveur laitier dans l’Oise. La conséquence immédiate se voit sur la production, « c’est un litre de lait de moins par jour » et par vache, mais aussi sur l’état des pâturages.
M. Smessaert vient de faire les foins sur son exploitation, mais avec cette chaleur depuis 10 jours il n’y a pas de repousse de l’herbe des pâturages. Le risque est de devoir nourrir le troupeau avec les réserves normalement destiné à passer l’hiver. « Dès qu’on pioche dans les stocks, c’est autant qu’il faudra racheter », explique-t-il, ce qui sera compliqué pour les éleveurs laitiers en crise depuis deux ans et demi. Les fortes chaleurs peuvent également avoir des conséquences sur les productions végétales.
« La canicule a un effet pervers. Trop de chaleur demande une vigilance accrue au niveau de nos cultures légumières, d’une part pour ne pas les laisser sans eau, d’autre part pour surveiller également la croissance des plantes », explique ainsi Jacques Rouchaussé, président des producteurs de légumes de France. C’est pourquoi dans le maraîchage, « l’irrigation est renforcée », assure-t-il.
De plus, « comme les légumes croissent en fonction de la luminosité et de la chaleur il faut qu’on jongle avec cette chaleur excessive de manière de ne pas avoir trop de produits qui arrivent en même temps », explique M. Rouchaussé.
Réserves d’eau
« Pour l’instant, on maîtrise la situation », explique Daniel Sauvaitre qui cultive 80 hectares de pommiers en Charente. « Grâce à l’utilisation de l’irrigation au goutte à goutte, on a une économie d’eau appréciable pour ces situations difficiles », assure-t-il en rappelant que « pour certains arboriculteurs, le problème climatique de l’année reste quand même le gel ».
Sa principale préoccupation, c’est la santé… de ses employés: « On les fait embaucher très tôt le matin pour arrêter à la mi-journée, c’est quand même de fortes températures pour être en extérieur », déclare ce producteur de pommes Chantecler. Pour tous les agriculteurs qui irriguent, cette canicule relance la question de la constitution de réserves d’eau, dont les demandes sont souvent bloquées pour des raisons qui touchent à l’environnement.
Le ministre de l’agriculture Jacques Mézard « a déjà annoncé qu’il souhaitait avoir un grand plan sur le stockage de l’eau », espère Luc Smessaert qui souhaiterait une meilleure gestion de l’eau y compris par les particuliers en cette saison de canicule pour éviter les restrictions d’irrigation. Dans d’autres régions, les exploitants assurent ne pas s’inquiéter de la hausse des températures.
« Ce qu’on nous annonce dans la semaine à venir, bien sûr, n’est pas très bon pour nous, mais ça peut encore se corriger », estime du côté des betteraviers Alain Commissaire, directeur général de Cristal Union, deuxième sucrier français, basé notamment dans la Marne.
« On ne manque pas d’eau en Bourgogne, parce qu’on a des orages tombés à point nommé et l’état sanitaire est très bon. Pour l’instant, tout va bien », assure également une porte-parole du BIVB, le bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne. Pour les blés, « ça va être un peu variable », les températures, si elles sont trop importantes, peuvent « pénaliser le remplissage des grains », estime un porte-parole de l’institut Arvalis.
Mais le pire semble avoir été évité: « La canicule est arrivée en fin de gros risque. Ce serait arrivé 8 jours plus tôt, ça aurait été beaucoup plus impactant, compte tenu du stade d’avancement des cultures », souligne Philippe Pinta, président de l’AGPB (producteurs de blé). Si elle ne chamboulent pas les rendements, ces températures très chaudes bouleversent le temps: orges d’hiver et blés auront le plus souvent une semaine d’avance cette saison.