Converti à la viticulture biologique depuis 2005, M. Dureuil-Janthial, qui gère le domaine familial à Rully (Saône-et-Loire) sur la côte chalonnaise, vit cette décision « comme un échec personnel ». Quand le mildiou apparaît sur les premières grappes le 13 juin, les trois-quarts du domaine ont déjà été touchés par un épisode de gel, fin avril. Et, coup du sort, la maladie attaque les parcelles saines. « A ce moment-là, c’était la panique; psychologiquement, on était à bout », raconte le vigneron de 46 ans, qui n’a jamais connu pire millésime depuis ses débuts en 1994. « Depuis des semaines, il ne cessait de pleuvoir, le travail dans les vignes était très difficile et Météo France n’annonçait aucune amélioration ». Dans l’urgence, il décide d’utiliser un traitement à base de phosphonates pour stopper la maladie. Après deux passages, ses vignes réagissent bien, ce qui lui permet de reprendre ses traitements préventifs au cuivre. Mais dans la réglementation, l’utilisation d’une matière active de synthèse équivaut à un « manquement majeur » au cahier des charges de la viticulture bio et entraîne la perte de sa certification AB. Pour retrouver le label, il lui faudra repartir en conversion pour trois ans à partir de 2017. « Au-delà de mes convictions, j’ai pris une décision de chef d’entreprise avec une exploitation de 20 hectares à faire tourner, six salaires à payer, les emprunts, les fermages, je n’avais pas le droit de risquer de perdre le peu de la récolte qui restait à sauver », assume ce vigneron bio convaincu.
Décision très douloureuse
Pendant cette période difficile, « c’était le feu dans le vignoble », témoigne Agnès Boisson, responsable viticulture de l’association régionale Bio Bourgogne, qui a accompagné plusieurs producteurs contraints au même choix dans la région. « L’attaque de mildiou a été particulièrement virulente dans certaines zones, notamment là où les épisodes de gel et de grêle avaient déjà fragilisé les vignes », explique-t-elle, reconnaissant la moindre efficacité du cuivre par rapport aux traitements chimiques une fois que la maladie a attaqué les grappes. Les exploitations concernées se situent essentiellement sur les Côtes de Nuits, Côtes de Beaune et dans le Chablisien, durement touchés par les aléas climatiques cette année. Certains n’ont traité chimiquement qu’une partie de leurs parcelles afin de conserver le reste en bio, d’autres ont préféré passer le traitement conventionnel sur tout leur domaine. « Dans tous les cas, cela a été une décision très douloureuse, guidée par des contraintes économiques », souligne la responsable associative, rappelant qu’en Bourgogne « beaucoup ne sont pas propriétaires de leur vigne mais en fermage, ce qui veut dire qu’ils doivent payer la location de leurs parcelles quoi qu’il arrive ». « L’année 2016 a été compliquée pour tout le monde, y compris pour les viticulteurs conventionnels qui ont subi les mêmes pressions de la maladie », déplore pour sa part Emmanuel Giboulot, délégué à la commission viticole de Bio Bourgogne. « La solution est-elle de traiter deux fois plus avec des produits que l’on retrouve dans le vin, les sols, l’eau ? ». Loin de décourager Bio Bourgogne, ce millésime difficile l’incite au contraire à militer pour davantage de recherche indépendante afin de trouver de nouveaux produits plus efficaces tout en étant neutres pour la plante et l’environnement. « La société aspire à des pratiques plus propres et plus respectueuses de
l’environnement, le modèle agricole doit évoluer », insiste M. Giboulot, opposant aux pesticides qui avait refusé de traiter ses vignes, en 2013, contre la maladie de la flavescence dorée en dépit d’un arrêté préfectoral.
Rully (France), 15 sept 2016 (AFP)