C’est à Vincent Laubert, président de la cuma des Ecorces et producteur de lait en Comté, que l’on doit cette belle idée: des agriculteurs qui mettent des chambres à disposition d’étudiants confinés sous la bannière « Le Bol d’air étudiant« .
« J’ai lu un article dans l’Est Républicain sur la détresse des jeunes à Besançon. J’ai 55 ans, notre exploitation est en pleine campagne, les enfants ont grandi et nous avons des chambres libres, explique Vincent Laubert.
« Je ne savais pas trop comment entrer en contact avec les étudiants pour leur proposer de venir passer un weekend chez nous. Un de mes amis, qui travaille à l’Est Républicain, m’a proposé de lui transmettre une annonce pour qu’il puisse la passer sur des blogs « fermés » dédiés aux étudiants. »
Bol d’air étudiant : une page facebook par région
« J’ai choisi de ne pas choisir et de prendre les trois premiers étudiants qui m’ont répondu, ils étaient forcément motivés », s’amuse-t-il.
« Il ne s’agit pas de woofing, précise monsieur Laubert, mais bien d’organiser un weekend de découverte à destination des étudiants. Pour ma part, je vis dans un hameau, et j’ai mobilisé mes enfants et mes deux voisins. L’un est ferronnier d’art, son père répare des horloges, l’autre voisin est dingue de musique. Nous avons passé la première journée à aller leur rendre visite. Le deuxième jour j’ai fait le guide et nous avons été visiter les Côtes du Doubs et leurs anciens moulins.
Aujourd’hui, un mois après, il existe une page Facebook « Bol d’air étudiant » par région, pour mettre en contact des agriculteurs (et désormais des personnes vivant en milieu rural) et des étudiants désireux de passer un weekend « au vert ».
Quelle communication?
« J’ai prévenu le président de la Chambre d’agriculture, les syndicats etc, que c’était une initiative bien perçue. Là, nous, agriculteurs, sommes forces de proposition, et c’est d’autant plus intéressant dans un contexte d’agribashing », détaille-t-il.
L’initiative a pris pas mal d’ampleur, grâce à Loïc Thirion, fromager* basé dans le Morbihan qui a décidé de mettre en place une communauté Facebook dédiée à la mise en relation d’agriculteurs (et ruraux) et d’étudiants.
« Loïc est la cheville ouvrière du dispositif », souligne Vincent Laubert. Aujourd’hui, 200 agriculteurs & ruraux ont émis des propositions, et 6000 sympathisants diffusent l’information sur les réseaux sociaux.
Malgré tout, Vincent Laubert n’avait pas prévu toute la médiatisation qui allait s’en suivre. « Nous avons accepté les interviews et reportages de l’Est Républicain, de France Bleu et France 3, puis de Neo aussi car c’est nous qui avons filmé. Par contre nous avons refusé BFM TV ou TF1 car ces équipes voulaient être là quand les étudiants arrivent. On en a discuté en famille », et décidé de garder un peu d’intimité.
Vincent Laubert a gardé contact avec ses trois visiteurs, qu’il devrait revoir au mois de septembre.
L’accueil: une tradition dans cette cuma aussi
S’il est conscient de vivre dans un territoire où les agriculteurs « ont une haute idée de la coopération », il sait que cela résulte d’une histoire construite par la génération de leurs parents. « Ils se sont engagés -dans tous les sens du terme- sur leurs exploitations et dans leurs coopératives, les fruitières. Nous bénéficions de cet engagement et c’est à nous de continuer à faire vivre cet esprit coopératif. Dans le Comté, on valorise bien le lait, chacun pourrait acheter ses matériels individuellement. Mais on a envie de se retrouver, et les cuma servent aussi à ça. »
L’accueil des jeunes, donc, que ce président de cuma entend mettre en œuvre aussi dans son groupe: « Parmi les 25 adhérents de la cuma des Écorces, nous avons accueilli les 3 derniers présidents des Jeunes agriculteurs. »
« Pour qu’il viennent, il faut déjà que l’ambiance soit bonne, mais aussi qu’ils se sentent responsabilisés, valorisés, assez vite.
*Loïc Thirion est le créateur du pavé Breton, un fromage « affiné à pâte filée au lait cru de vache ». Le filage est une technique italienne acquise par Loïc dans la péninsule.
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