Assoiffées par la sécheresse qui a encore sévi cet été, la forêt française est également la proie des scolytes, des coléoptères qui, alléchés par les arbres asséchés, creusent des galeries sous l’écorce, empêchant la sève de circuler.
Principales essences touchées par ce double fléau, le sapin et l’épicéa, essentiellement dans les régions Grand-Est et Bourgogne/Franche-Comté.
« On est dans une catastrophe sanitaire de grande ampleur. Ca a commencé avec les épicéas, mais on a aussi les sapins qui un an après sèchent et on a maintenant du hêtre et même du chêne dépérissant, suite à la chaleur », explique à l’AFP Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du Bois (FNB).
« Les scolytes attaquent entre l’écorce et le bois. La seule méthode préventive qui existe, c’est de couper les bois le plus précocement, dès les premiers signes », explique M. Douzain-Didier.
Cette méthode permet de « préserver tout le coeur du bois », la partie la mieux valorisée, utilisée dans le bois d’oeuvre (construction).
Durant « l’année 2018-2019, deux millions de mètres cubes d’épicéas ont été récoltés en forêt publique, soit le double d’une récolte normale. Parmi ceux-ci, on estime que 60% des arbres sont victimes des scolytes », indique l’ONF dans une note publiée le 30 août.
Problème, cette récolte à marche forcée a mécaniquement fait fondre les cours.
Pour le sapin et l’épicéa, « sur le bois d’oeuvre il y a eu une baisse des cours de 30% depuis le début de l’année, et on s’attend à 50% dans les mois qui viennent », déclare à l’AFP Antoine d’Amécourt, président de Fransylva, fédération des syndicats de forestiers privés de France.
L’enjeu est de taille dans un secteur du bâtiment où l’utilisation du bois est en plein essor: « Sur les 20 millions de mètres cubes de bois d’oeuvre récoltés chaque année, 12 millions de mètres cubes sont des résineux, dont la moitié de sapins et d’épicéas », résume M. d’Amécourt.
Un sommet de la forêt réclamé
« Dans la forêt française, il y a un gros problème de renouvellement et donc le propriétaire forestier qui n’aura aucun rendement et que des coûts sur un peuplement qui périclite, je ne vois pas avec quel argent il peut investir, c’est des coûts importants », s’alarme M. d’Amécourt.
Et le problème ne semble pas près de s’arranger.
« La situation est évolutive et les effets sur les forêts continueront à se manifester et seront dépendants du climat à venir », indique ainsi dans une lettre cet été le département de la Santé des forêts, qui dépend du ministère de l’Agriculture.
« C’est aussi puissant que la dernière tempête de 1999, en termes d’arbres touchés, simplement ça va durer trois ou quatre ans. C’est moins spectaculaire qu’une tempête et donc on a beaucoup de mal à mobiliser les pouvoirs publics, alors qu’il y a un enjeu de renouvellement de la forêt qui est énorme », déplore M. Douzain-Didier.
Il réclame « un Grenelle de la forêt ou un sommet de la forêt comme en Allemagne, piloté par le président de la République ».
Interrogé par l’AFP, le ministère de l’Agriculture fait valoir que les dégâts constatés en France n’ont « pas la même ampleur que ceux constatés en Allemagne » et qu’un programme national de la forêt du bois s’est d’ores et déjà penché sur « la politique forestière de la France pour les 10 ans qui viennent ».
Lors d’une réunion mardi du conseil supérieur de la forêt et du bois, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume a toutefois annoncé la mise en place d’un plan de soutien de 16 millions d’euros afin d’aider à l’exploitation et à la commercialisation des bois « scolytés », puis à la reconstitution des peuplements touchés après exploitation.
Les forestiers privés déplorent par un « désengagement de l’Etat » du CNPF (Centre national de la propriété forestière), qui oeuvre à la gestion durable de la forêt privée et une baisse significative de son budget, une information que le ministère de l’Agriculture n’a pas confirmée, mais n’a pas non plus démentie.
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