Le premier site de la société Bioénergies 123 est situé à Peyrat-de-Bellac. Il est en fonctionnement depuis plus d’un an. Le deuxième, basé à Azat-le-Ris, dans le nord de la Haute-Vienne, vient de démarrer. Et la construction du troisième, prévu à Vatan dans le sud de l’Indre, est en cours. Les trois unités ont une configuration semblable d’une puissance de 310Nm3/h chacune. Le procédé retenu est la méthanisation par voie liquide, à raison d’un tonnage d’intrants de 60 à 100 t par jour et par site.
Un investissement total de 27 M€ pour les trois unités
Chaque unité de Bioénergies 123 est composée des éléments habituels pour ce type d’activité : pont-bascule, fumière, fosse à lisier, silos de stockage pour la matière végétale, incorporateur, digesteurs (quatre), post-digesteur, cuves de stockage du digestat, poste d’injection, torchère de sécurité, réserve incendie… ainsi que le matériel de manutention nécessaire. Le tout représente un investissement total de 27 M€ pour les trois unités.
Le biométhane produit est injecté dans le réseau de GRT Gaz, après avoir été épuré et filtré pour écarter les composants indésirables (eau, C02, soufre…) puis compressé. De son côté, le digestat sera utilisé comme matière fertilisante sur les parcelles des apporteurs de substrat. Pour ce type de projet de haute technologie, qui demande une surveillance 24h/24h, le bon fonctionnement de l’ensemble du processus est contrôlable directement sur smartphone. Un dispositif d’alerte SMS s’active en cas d’anomalie. Et les responsables de l’unité Bioénergies 123 peuvent intervenir à distance.
Vaincre les réticences
Comme un certain nombre de projets de méthanisation, la construction des trois de méthanisation de la société Bionénergies 123 a suscité quelques oppositions. Les riverains et certains élus locaux ont été méfiants devant la taille de ces trois unités collectives qui implique à chaque fois 20 à 25 exploitations associées. Les opposants ont redouté les impacts potentiellement négatifs sur le territoire en termes de qualité de l’eau, bruit, circulation routière, sécurité…
Pour Axel Le Quéré, le gérant, la cohésion des agriculteurs rassemblés dans une SAS dont ils détiennent la grosse majorité du capital social, est un atout. Cette démarche collective fait suite à un premier investissement photovoltaïque réussi, entrepris par le même noyau dur d’agriculteurs sur les territoires concernés. Cette expérience, menée entre 2009 et 2012, a forgé des liens solides et utiles quand il s’est agi d’entreprendre à nouveau un projet de grande envergure comme la méthanisation, non dénué de risques…
« Toutes les exploitations ne sont pas en capacité de s’engager seules dans la mise en œuvre d’un projet de méthanisation. Nous avons souhaité ne laisser personne seul sur le bord de la route », ajoute le gérant, qui défend ce principe de coopération entre agriculteurs du même territoire.
Personne sur le bord de la route
La première réflexion s’est amorcée fin 2017 et la construction du site de Peyrac a commencé en 2019. En évitant que leur projet ne prenne trop de retard, la SAS Bioénergies 123 a bénéficié de conditions plus avantageuses en matière de tarifs de rachat, d’aides financières de l’Ademe, de coûts de construction.
Aux côtés des agriculteurs apporteurs de capital social dont le niveau est lié au volume d’apports, le constructeur Methadomaix a assumé aussi une part de risques financiers dès le départ. La banque a assuré le relais financier, rassurée par les premiers tests de performances de l’installation et par la cohésion des membres de la SAS.
Le dimensionnement du projet permet d’injecter une quantité importante de biogaz. Ce qui génère des économies d’échelle. En revanche, le coût de raccordement est un poste d’investissement important. Environ 900 000 € par site !
Traitement égalitaire
L’approche collective repose sur la mutualisation des moyens. Ainsi, le coût du transport des matières entrantes (essentiellement constituées d’effluents d’élevage et de végétaux issus d’inter-cultures ou de méteil) et le retour du digestat sont mutualisés. Cela écarte les inégalités liées aux distances entre les exploitations et le lieu de l’unité de méthanisation.
Pour l’unité de Peyrac, cela va de 0 à 22 km pour les parcelles les plus éloignées. Soit, en moyenne, 11 km de distance. Clairement, les exploitations les plus éloignées auraient été pénalisées économiquement si elles avaient dû financer elles-mêmes le transport, en comparaison des exploitations situées à proximité.
Bioénergies gère donc le transport et l’intendance avec le concours de prestataires. Le transport s’effectue avec des bennes et tracteurs pour les courtes distances, ou par camions pour les longs trajets. En revanche, chaque exploitation associée assume les frais de récolte et d’épandage. Elle est indemnisée à hauteur de 100 €/t. de MS livrée à la SAS.
Chaque agriculteur associé s’est engagé sur plusieurs années à livrer un volume prévisionnel. En cas de défaut d’apport d’un associé, l’équilibre global n’est pas menacé, compte tenu de la multiplicité des apporteurs.
Une gouvernance solide
À sa façon, chaque membre contribue à faire avancer le projet commun. Cela peut être en matière de réseaux d’influence et de communication, de connaissances techniques sur les process, d’agronomie… Un CA solide et un bureau étoffé, composé d’associés ayant une solide expérience professionnelle. Tout cela doublé d’une bonne formation, assure la gouvernance.
La SAS s’est entourée aussi des compétences d’une experte agricole et foncière qui intervient en prestation de services. Et elle a embauché également un responsable pour le suivi global. Celui-ci sera en capacité de manager les salariés. Mais aussi de gérer approvisionnement du site et épandage du digestat en concertation avec les agriculteurs.
À terme, chaque site devrait compter deux opérateurs. Ils assureront l’approvisionnement quotidien de l’unité, les opérations d’entretien et de prévention et participeront aux travaux de récoltes et d’épandage.
Des partenaires en appui
La SAS Bioénergies 123 a fait le choix d’adhérer à l’AAMF (Association des agriculteurs méthaniseurs de France). Ce qui lui a permis, grâce à des échanges avec d’autres exploitants méthaniseurs, d’affiner son projet. Elle a par la même occasion accepté la charte d’engagements de l’association. A savoir : respecter la réglementation, valoriser les matières organiques et les digestats du point de vue agronomique. Mais aussi garantir la sécurité de l’installation et des personnes, assurer la traçabilité complète du cycle de méthanisation, partager son expérience… Le collectif s’est fait accompagner d’un consultant indépendant. Et pour boucler leur plan de financement, la SAS a bénéficié de subventions (Ademe, Conseil régional Nouvelle-Aquitaine, Feder).