Malgré les efforts des agriculteurs (braseros dans les vignes, bougies, pulvérisations d’eau pour former une coque de glace autour des bourgeons et permettre la floraison), dans certaines régions, presque rien n’a pu être sauvé! Dans la Drôme, par exemple, où la température est descendue jusqu’à -9°C, certains exploitants agricoles ont vu 100% de leur production détruite en une nuit. Le bilan de l’épisode de gel tardif 2021.
Arboriculteurs et viticulteurs en détresse
Selon les experts, cet événement de gel tardif est l’un des épisodes les plus sérieux depuis 1991. Si il faudra attendre encore quelques semaines les chiffres exacts, certains arboriculteurs savent pertinemment qu’ils ont perdu 100% de leur récolte. Cela signifie toute une année de travail et plusieurs millions de chiffres d’affaires perdus. Et dans les cas les plus extrêmes, la disparition de l’exploitation.
Dimitri Lely, Directeur Agricole de Groupama Centre-Atlantique (10 départements du Centre et de la façade Atlantique), témoigne de son inquiétude. «Sur notre territoire, on a la certitude que les vignes ont été touchées par le gel. Cet événement aura des impacts importants en termes de rendements. Sur les grandes cultures, et notamment les céréales à paille (blé tendre, blé dur, orge, épeautre…), des pertes de rendement sont également à craindre, mais plus difficiles à évaluer à ce stade.
Par exemple, sur la vigne, où Groupama accompagne les clients d’Inovitis par un contrat cadre, au cœur des vignobles du Bordeaux et du Sud-Ouest, 100% des sociétaires assurés en multirisque climatique sur récoles ont déclaré un sinistre indiquant que 80% des bourgeons ont été brûlés par le gel. Sur l’arboriculture (pruneaux, pommes, noix…), dans les Deux-Sèvres et la Dordogne, il n’y aura pas de rattrapage possible».
Disparités selon les cépages et l’exposition des parcelles dans le bilan de l’épisode de gel tardif 2021
Dimitri Lely explique que sur la vigne, les impacts diffèrent en fonction des cépages. Les températures très douces constatées cet hiver et au début du printemps ont fait sortir les bourgeons et les contre-bourgeons (qui donnent les ramifications nécessaires au développement des grappes de raisin).
«A -3°C, ce début de floraison est fragile et des pertes sont à prévoir. Notamment sur le cépage Colombard, dont les grappes entrent dans l’élaboration des spiritueux comme le Cognac. De même, l’exposition des parcelles est un facteur important. En effet, sur certaines zones, en bas-fonds, les températures sont descendues jusqu’à -5°C et au-delà. Sur ces parcelles, 100% des bourgeons ont été détruits par le gel».
Par ailleurs, il rappelle qu’entre 1991 et 2017, la France, et en particulier la Gironde, ont déjà été durement frappées par des épisodes de gel tardif, à un moment clé dans le stade d’évolution de la vigne. En 2017, Groupama Centre Atlantique a indemnisé les viticulteurs assurés dans le cadre d’un contrat multirisque sur récoles à hauteur de 25 M€. Au fil de l’eau, Groupama Centre Atlantique et les équipes de la Direction Etudes Techniques et Pilotage ont modélisé un ensemble de données qui ont permis d’établir que dans la région du Bordelais, un sinistre similaire arrive environ tous les 30 ans.
En 2019, le gel avait de nouveau tardivement touché les parcelles. Mais dans une mesure qui avait néanmoins permis à la vigne de reprendre. Pour 2021, Dimitri Lely indique «qu’on ne se sait pas encore si une reprise sera possible».
Hélicoptère et tours antigel
Face à ce phénomène, les exploitations s’organisent. Certains domaines viticoles, en Gironde, ont sorti les hélicoptères afin de leur faire survoler les parcelles afin de “réchauffer” l’air au sol. En 2019, Groupama Centre-Atlantique a noué un partenariat avec l’Union Générale des Viticulteurs pour l’AOC Cognac afin d’installer des tours éoliennes antigel. Au total 36 tours mobiles et 57 autres fixes ont été déployées sur les zones les plus sensibles des parcelles. Groupama Centre Atlantique bénéficiera d’un retour d’expérience robuste sur l’efficacité du dispositif dans les prochains jours.
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«Ce qui est inquiétant c’est la situation économique du vignoble Bordelais » explique Dimitri Lely. «Là où la région viticole de Cognac montre des marques de dynamisme économique fortes et où les parcelles sont globalement assurées, le Bordelais durement frappé par le gel en 2017 subit une évolution de la consommation vers d’autres types de vins. Ceci a pour conséquence une baisse des prix et des stocks qui s’accumulent».
A la suite à l’épisode de gel de 2017, Dimitri Lely indique que «beaucoup de viticulteurs assurés en multirisque climatique en 2018 et 2019 ont fait le choix de résilier leur contrat». Un constat alarmant dans une région régulièrement touchée par le gel et qui met en avant un vrai problème économique!
Bilan de l’épisode de gel tardif 2021: revoir les outils de couverture de risques
Sur la filière viticole, de nombreux sociétaires (2/3 des contrats) ont fait le choix de s’assurer contre le gel avec des franchises inférieures ou égales à 15%. En augmentant le taux de couverture, ils disposent ainsi d’un meilleur niveau d’indemnisation. Dans le cadre de son contrat multirisque climatique, Groupama inclut des garanties telles que «frais de re-semis» et «frais supplémentaires». Une fois validés après le passage des experts, les sociétaires recevront une indémnité à hauteur de 15% maximum des capitaux de la parcelle détruite, sans franchise pour le re-semis et à hauteur de 15% maximum des capitaux de l’espèce assurée, sans franchise pour les frais supplémentaires.
Dans ce contexte difficile pour le monde agricole, Groupama a été convié le 12 avril à une réunion organisée par le Ministre de l’Agriculture sur les conséquences des épisodes de gel qui ont touché la viticulture, l’arboriculture et les grandes cultures sur l’ensemble du territoire. 1er assureur du monde agricole, Groupama assure environ 117.000ha de vignes (72.000 contrats), 100.000ha de betteraves (4.900 contrats), 40.000ha de lin (2.000 contrats), 240.000ha de colza (11.000 contrats) et 1.300ha d’arboriculture (85 contrats).
La gestion de cet épisode de gel hors normes repose la question de la réforme des outils de couverture des risques climatiques en agriculture, souhaitée par les Pouvoirs Publics et attendue par les acteurs du monde agricole.
Des propositions
Groupama, a fait part de ses propositions. Premièrement, un abaissement de la franchise de 30% à 20%. Ensuite, une hausse de la subvention maximum de 65% à 70%. Puis la création d’un pool de co-réassurance, afin de mieux mutualiser les risques et ainsi pérenniser le dispositif assurantiel. Enfin, une meilleure articulation entre la gestion des risques en agriculture et le dispositif de catastrophe naturelle.
Des mesures susceptibles de renforcer la solidarité nationale en faveur des agriculteurs, premiers impactés du changement climatique.
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