Entraid : La filière est-elle prête pour faire face aux nouveaux défis qui se présentent à elle?
Alexandre Quillet: Les betteraviers effectueront leur première campagne sans quotas en 2017. On le sait depuis 2013 et la filière s’est donnée les moyens techniques, politiques et économiques pour accompagner ce changement. Nous avons envisagé différentes simulations et avons réfléchi à une organisation qui soit gagnante-gagnante pour les industriels et les producteurs. Des contrats sur les volumes sont mis en place avec une grille tarifaire pour avoir une connexion entre le prix du sucre et celui de la betterave.
Concrètement qu’est-ce-qui va changer?
Il sera nécessaire d’approvisionner les usines et cela même si les cours mondiaux sont bas. La filière doit s’organiser pour le faire, avec des campagnes qui seront allongées pour que les outils industriels soient rentables. Les campagnes, de 100jours hier, s’étaleront désormais sur 120jours. Les planteurs auront donc des contraintes supplémentaires: commencer plus tôt, dès septembre, ou finir plus tard, en janvier. Cela nécessite dans le premier cas, des indemnités et dans le second cas, une amélioration du stockage pour protéger les betteraves du gel, et des moyens d’arrachage appropriés (tarre-terre plus compliquée).
Comment l’ITB va-t-elle accompagner ce changement?
L’ITB doit répondre à ces problèmes de filière, notamment sur la conservation en silo. Quant aux constructeurs, nous devons réfléchir avec eux à moins de compaction et moins de blessure à l’arrachage, avec des outils qui pourront se régler en fonction de la saison, de septembre à janvier.
Le programme Aker (1) permettra également d’être plus performant sur les variétés à utiliser, qui seront moins sensibles au stress biotiques et abiotiques. Il permettra également d’être plus réactif sur la création de variétés grâce à une meilleure analyse.
Et sur les exploitations comment cela va se traduire?
Nous devons travailler sur les coûts de production, tant au niveau de l’exploitation que des usines. Pour ces dernières, cela doit se faire au niveau des process: énergie et transports.
Sur les fermes, à nous d’être compétitifs, à la fois sur les itinéraires techniques, la gestion des chantiers (coût de production et rendements). Il faudra également penser à mettre de l’argent de côté les bonnes années pour contrecarrer celles où les prix seront bas. Aujourd’hui, le coût de production, pour les meilleurs, tourne autour de 400€/t de sucre (production et process industriel). Demain, sur le cours mondial (à taux de change équivalent avec le dollar), le prix oscillera entre 350 et 500€. Il faut s’améliorer.
« L’objectif est d’améliorer les rendements de 4% par an. Pour 2025 nous visons 120t/ha à 16 »
Quelles sont les marges de manœuvre?
Premièrement, de meilleurs rendements. Avec le programme Aker, nous tablons sur une progression de 4% par an (2%/an aujourd’hui). Et pour 2025, nous visons 120t/ha à 16 (97t/ha en 2011). Il faut l’obtenir car il faut être compétitif. Il y a l’aspect génétique mais il y a aussi un travail à faire sur l’efficience des itinéraires techniques: la fertilisation azotée avec des analyses de sol régulières, un seuil d’application de traitements phyto.
« En année sèche, nous aurions pu escompter être à 19,5 de richesse et nous sommes finalement à moins de 17 »
Un mot sur la campagne 2016?
Une année à oublier, la betterave n’y échappe pas. Sur les cinq dernières années, nous sommes sur un rendement moyen de 89 tonnes avec un record à 97t et un point bas à 85t, cette année la moyenne française est de 83t. Malgré des semis précoces, la production a manqué de luminosité au printemps et n’a pas eu le développement racinaire nécessaire pour affronter la sécheresse qui a couru de juillet à octobre. Enfin, les températures élevées en septembre ont provoqué une minéralisation anormale et les betteraves ont fait davantage de feuilles. En année sèche, nous aurions pu escompter être à 19,5 de richesse et nous sommes finalement à moins de 17.
(1) Le programme AKER vise à améliorer la compétitivité de la betterave en France dans un contexte international marqué par l’augmentation de la demande mondiale en sucre et la prédominance de la canne à sucre. AKER s’inscrit, pour une durée de 8 ans, dans le Programme d’Investissements d’Avenir initié par l’Etat dans le cadre de l’Agence Nationale de la Recherche. Doté d’un budget de 18,5 millions d’euros et d’une ressource de 1.765 mois équivalents temps plein chercheurs, le programme est porté par 11 partenaires publics et privés de la filière betterave-sucre-alcool française. Le programme AKER consiste d’abord à élargir la variabilité génétique de la betterave en constituant une collection de gènes en provenance de ressources du monde entier. Ensuite, AKER valorisera le matériel génétique obtenu en le croisant avec du matériel élite, de manière à produire de nouvelles variétés à haut potentiel qui seront mises à disposition de la filière. Ce programme nécessitera d’utiliser des équipements de génotypage (analyse des génomes) de haut débit avec les supports statistiques et informatiques adéquats, ainsi que de nouvelles méthodes de phénotypage (évaluation des caractères). Le programme AKER, dont la finalité concerne à la fois la recherche, le développement et la formation, doit permettre de doubler le rythme de croissance annuelle du rendement de la betterave et de continuer à en faire une plante et une filière de référence.