Compter les chevaux sous le capot

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Compter les chevaux sous le capot

tracteur banc essai

Comparer la puissance d’un tracteur annoncée et celle réelle permet de mieux négocier avec le vendeur mais aussi de faire des économies de carburant. Témoignage de Robert Petit et de Florent Lanier qui ont fait subir un banc d’essai à leurs tracteurs.

Un doute planait sur la puissance effective du tracteur que venait d’acquérir Robert Petit, agriculteur à Arleuf, dans la Nièvre. « J’ai acheté ce John Deere 6120R en mai 2021. Il avait cinq ans et affichait 3 400 h au compteur, se souvient le Bourguignon. Je venais de renouveler un tracteur de la même puissance. Mais j’avais réduit le nombre de cylindres en passant de six à quatre. »

Un manque de puissance

Très vite, l’agriculteur s’est aperçu d’un manque de puissance et d’une consommation supérieure de carburant. « Au lieu de consommer 8 à 9 litres de GNR/h, j’en consommais 10, voire 11, précise-t-il. Finalement, je n’étais pas du tout satisfait de mon achat. »

En mai 2022, la frcuma Bourgogne-Franche-Comté organisait une session de banc d’essai pour les volontaires. Elle se déroulait au lycée de Château-Chinon, non loin de l’exploitation de Robert Petit.

Après un changement de filtre à air et un nettoyage du moteur, le tracteur est à l’essai. Et le diagnostic tombe. « Mon ressenti a été confirmé, lance-t-il. Le banc d’essai annonce une puissance maximale de 107 ch au lieu des 120 annoncés. »

Un avis désintéressé

Tout s’éclaircit pour cet agriculteur. « On finissait par croire que nous avions une mauvaise utilisation du tracteur. Ou qu’il était pénalisé à cause du nombre d’heures qu’il avait au compteur. Mais non, l’avis est clair. On peut s’y fier car il n’y a pas d’aspect commercial après ce test. »

Cependant, l’agriculteur reste un peu déçu de ce service qui lui a été facturé une centaine d’euros. « Le diagnostic n’est pas très précis, estime-t-il. On m’a juste dit qu’il devait y avoir un problème d’injecteur. Je ne sais pas lequel je dois changer. Ni si je dois tous les remplacer. Il faut peut-être que je change la pompe à injection…»

Pour le savoir, l’agriculteur doit se rendre chez son concessionnaire. C’est là où ça coince puisqu’ il « ne prendra pas en compte le diagnostic que j’ai récupéré et il m’en refacturera un. » Ce n’est pas la première fois que Robert Petit utilise ce service. Il a déjà fait passer un autre tracteur sur un banc d’essai il y a quelques années.

Robert Petit a passé son tracteur au banc d'essai

Robert Petit a testé les puissances de deux de ses tracteurs grâce au banc d’essai organisé par la frcuma Bourgogne-Franche-Comté. Il a ainsi pu comparer leurs puissances effectives par rapport à celles annoncées.

Négociation commerciale

Il s’agit d’un autre John Deere acheté d’occasion. « Lorsque je l’ai acheté, j’ai négocié, au prix de 100 €, le passage du tracteur au banc d’essai au terme de la période de garantie. Mon but était de savoir si la puissance est bien identique à celle annoncée. Si ce n’est pas le cas, les réparations nécessaires seraient à la charge du vendeur», raconte l’agriculteur. Au début, le concessionnaire n’était pas très partant. Mais il a fini par accepter. Le tracteur a été testé après deux ans d’utilisation. La puissance annoncée correspondait bien à celle vendue.

Le tracteur de la cuma est également passé au banc d’essai le même jour que celui de Robert Petit, qui est aussi président du groupement d’agriculteurs. Pour ce John Deere 6920 de 155 ch, rien n’a été diagnostiqué si ce n’est son âge : vingt ans plus tard et à hauteur de 9 000 h/an, avec une puissance de 136 ch, on peut dire qu’il est bien conservé. « D’autant plus qu’en cuma, les dix utilisateurs ont chacun leur manière de conduire et cela impacte un peu la consommation du tracteur et l’entretien du moteur. »

Le banc d’essai permet une économie de carburant

Pour Florent Lanier, polyculteur-éleveur dans la Nièvre, l’objectif de passer ses deux tracteurs au banc d’essais était autre. « J’avais déjà fait passer le test à un de mes tracteurs, le John Deere 6820 qui a aujourd’hui 7 500 h, explique-t-il. À cette époque, il faisait 142 chevaux, cela me convenait bien. » Depuis, son utilisation a un peu évolué et il fallait davantage de puissance pour tirer un décompacteur.

Il a alors recartographié ce tracteur. Si le ressenti est bon, il voulait savoir sur combien de chevaux il pouvait compter. « Je suis allé au banc d’essai mi-septembre, dans l’optique de connaître mieux mon tracteur et ainsi connaître sa performance pour optimiser les plages de régime selon l’utilisation. »

L’essai a confirmé le ressenti du conducteur. Il a été estimé à 165 ch, avec une plage qui se situe autour des 1 500 tr/min. « Je sais que l’année prochaine, quand j’aurai des travaux plus lourds à réaliser, j’utiliserai cette plage qui me fera économiser du carburant », ajoute-t-il.

Une économie qui rentabilise vite le coût du passage au banc. « Si j’économise un litre de GNR/ha, avec les niveaux de prix actuels, le gain peut être grand, souligne l’agriculteur. Mais c’est aussi pour l’environnement ; ça ne sert à rien de cramer du gasoil dans l’air inutilement. »

Manque de « gnaque »

Son deuxième tracteur est aussi passé par la case « banc d’essai ». Il s’agissait d’un John Deere 610 M, de 100 ch, acheté cette année pour la manutention dans la cour. « Maintenant il a 500 h, je voulais savoir ce qu’il valait, explique Florent Lanier. Il faut avouer que je le trouvais un peu mou. »

À la sortie du banc, on évalue sa puissance à 94 ch. Encore chaud, il fait un deuxième passage qui se conclue à 96 ch. « Il ne manque pas forcément de puissance mais je pense qu’il n’était pas encore tout à fait rodé. Depuis, je lui ai fait réaliser quelques travaux difficiles, un peu plus lourds et je sens qu’il déploie toute sa capacité dorénavant. C’est un tracteur qui n’a pas fini de grandir ! », se réjouit l’agriculteur.

Le banc d’essai moteur pour diagnostiquer les pannes et former à l’écoconduite

« Passer son tracteur sur un banc d’essai, c’est un peu comme faire un test d’effort chez le cardiologue, compare Fabrice Maitrot, conseiller machinisme à la frcuma Bourgogne-Franche-Comté. On va faire tourner le moteur pour connaître sa puissance maximale, mais aussi pour savoir comment il travaille et quelles sont ses caractéristiques. »

Ainsi, le chauffeur du tracteur peut connaître les plages de régime économique.  Il peut alors adapter sa conduite et le travail qu’il va effectuer en fonction de la consommation de carburant.

Par ailleurs, le passage au banc permet de diagnostiquer les insuffisances au niveau du moteur. Il permet ensuitet de connaître la puissance effective du tracteur. « On compare les données que nous avons obtenues à la suite du test avec une banque de données validée par les constructeurs, explique l’animateur. Cela permet de voir s’il y a un problème mécanique dû à un turbo ou à un injecteur défaillant. Ou encore un problème de puissance incompatible avec l’utilisation du tracteur. »

Enfin, passer un tracteur au banc d’essai permet de mieux anticiper le renouvellement du tracteur. Ou de mieux négocier son achat, en sachant exactement de quelle puissance du moteur l’agriculteur a besoin.

Plusieurs mesures sont effectuées lors d’un passage de tracteur au banc : le couple, la puissance nette réellement utilisable à la prise de force, la consommation horaire et spécifique ainsi que le débit de la pompe d’injection. Il faut compter une heure et 130 € pour obtenir un tel diagnostic.

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