Dans un dossier complet, la revue spécialisée « Travail et sécurité » se penche sur les métiers au contact des animaux vivants. Naturellement, les éleveurs sont en première ligne. La proximité avec les animaux est forcément indissociable du métier d’éleveur. Pour beaucoup de femmes et des hommes qui ont choisi cette profession, c’est une source d’équilibre professionnel et même d’épanouissement. Mais cette coexistence journalière avec le cheptel s’accompagne de risques réels sur la santé des éleveurs, qu’il serait dangereux de mésestimer.
1) La contention et la manipulation
Dans le classement de la dangerosité, la revue cite en premier les manipulations et les contentions. Elles surviennent dans les élevages bovins, ovins, équins, caprins ou porcins. Cela peut être un choc lors d’un vêlage, tri d’animaux, prophylaxie, insémination, soins aux pattes, etc. Les manipulations représentent par exemple près de 20% des accidents dans les élevages bovins. D’autres activités, comme la distribution d’aliments, sont source de danger. Un constat s’impose: à force d’habitude, l’éleveur n’a plus une conscience aussi aiguë du danger qui peut survenir à chaque instant… «Chaque année, complète Christophe Lapalus, formateur à l’Institut de l’élevage, 5 à 15 personnes sont tuées par un taureau, dans le cadre de leur profession. » (voir l’article « peur moi ? jamais ou presque). Des risques dont l’acuité augmente dans la mesure où les éleveurs sont désormais moins proches de leurs animaux, compte-tenu de l’agrandissement des troupeaux…
2) Les troubles musculaires et articulatoires
«Les ports de charges et les manutentions répétées peuvent générer à la longue des troubles musculo-squelettiques», constatent les auteurs de ce dossier. La répétition des gestes quotidiens comme la traite, le port de seaux, le repoussage manuel de l’ensilage dans les couloirs d’alimentation, le passage régulier du nettoyeur haute pression dans les porcheries ou les poulaillers,… peuvent entraîner des risques de lombalgies, affection du canal carpien, arthrose… Sans oublier le risque de chute! La conception ergonomique des bâtiments, des installations et équipements utilisés quotidiennement est déterminante pour préserver la santé de l’éleveur. Comme le choix de la bonne hauteur du quai de traite… La MSA des Portes de Bretagne relate ainsi une étude qu’elle a menée sur la filière avicole, «peu visible en termes de maladies professionnelles et d’accidents du travail» (voir l’article : interroger les pratiques) où il est apparu que «la question des manutentions est rapidement ressortie des échanges, ainsi que l’exposition aux poussières.»
3) Les maladies transmissibles
«Le risque biologique est aussi présent, à travers l’exposition au risque de zoonoses, maladies transmissibles de l’animal à l’homme via des griffures, des morsures ou par la présence de poussières en suspension pouvant générer des allergies…», complète la revue. Les zoonoses sont des maladies ou infections transmises par des bactéries, des virus ou des parasites. On pense à la brucellose, la fièvre Q… La transmission peut se faire directement, lors d’un contact entre un animal et un être humain, avec des objets souillés, lors de manipulation des déjections, cadavres, placentas. Dans cette catégorie figure aussi le risque chimique lié à l’emploi de médicaments vétérinaires.
4 ) La charge mentale
Enfin, c’est un mal plus pernicieux, mais pourtant bien réel qui affecte de nombreux éleveurs: le stress. La surveillance d’un cheptel important en nombre impose une attention soutenue, presque à chaque instant. La peur des risques sanitaires et des épidémies pèse sur le moral des éleveurs sachant «qu’un seul individu malade peut compromettre la santé de l’ensemble de ses congénères» relèvent les auteurs de la revue. S’ajoutent à ces inquiétudes la dégradation de l’image des éleveurs, le manque de reconnaissance et même les accusations de maltraitance. Ce qui peut aller jusqu’aux insultes et à l’intrusion traumatisante d’étrangers dans les élevages…
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