Le loup, le glyphosate, le Mercosur, la Pac… Pendant 12 heures et demie, un record de présence pour un président de la République, Emmanuel Macron a répondu à une foule d’interpellations, parfois agitées. Et il est reparti pour l’Elysée avec une poule, offerte par les fermiers de Loué.
Après avoir été à plusieurs reprises sifflé par des membres du syndicat des Jeunes agriculteurs le long de son parcours entre les stands du salon, le chef de l’Etat a bifurqué pour aller parler « droit dans les yeux » à ses contempteurs, des céréaliers qui protestaient contre la fin du glyphosate et contre le projet d’accord de libre-échange UE-Mercosur.
« J’ai vu des gens qui étaient à 500 mètres pour me siffler. Ils étaient très minoritaires. J’ai cassé les parcours et les codes pour aller au devant d’eux et ils se sont arrêtés de siffler. On s’est expliqué, je crois qu’ils ont compris », a déclaré le président à la presse, en ajoutant, « ce que je crains le plus (…) c’est ceux qui n’ont même plus l’énergie de protester ».
Le président a fendu la foule pour aller tancer les siffleurs, « dix zigues » selon lui: « Je vous engueule parce que j’aime pas qu’on me siffle derrière mais après, je viens vous voir et on s’explique. » Avant de leur assurer calmement que « personne ne serait laissé sans solution ».
Les agriculteurs ont été nombreux à exprimer leur inquiétude tout au long de la journée. Emmanuel Macron a ainsi répondu à des éleveurs qui l’interpellaient sur le plan Loup, annoncé lundi par le gouvernement, qui a mécontenté aussi bien les agriculteurs que les défenseurs de l’environnement: « Si vous voulez me faire dire qu’on supprimera les loups, je ne le dirai pas. Si vous voulez l’engagement qu’on renforcera les moyens de protection ou qu’on sortira les loups de ces bassins, je m’y engage. »
« Regardez moi bien dans les yeux »
Face à un agriculteur déguisé en vache, qui se plaint de « la grande distribution » qui « se moque » des paysans, le président réplique: « Regardez moi bien dans les yeux, il y aura des contrôles et des résultats concrets. » « Vous verrez des sanctions fortes sur ce sujet des négociations commerciales », promet-il.
Puis il embraye sur l’Europe. « Pour la prochaine Politique agricole commune (Pac), je veux un mécanisme de garantie de prix minimum pour les éleveurs européens. Si on ne fait pas attention, on ne pourra plus choisir, ce sera le marché du prix qui aura décidé pour nous », déclare-t-il avant de rencontrer le commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan.
Les agriculteurs français s’inquiètent en effet beaucoup de l’avenir de la Pac, dont la France est l’un des principaux bénéficiaires, après le départ du Royaume-Uni. Vendredi, à Bruxelles, les dirigeants européens ont fait un constat de leurs divisions sur ce sujet.
La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui redoutait vendredi de voir la France baisser la garde à Bruxelles, a finalement salué samedi la « prise de position très ferme » du président français devant les autres chefs d’Etat européens sur le budget de la PAC. M. Macron « a vraiment dit et affirmé que pour les priorités nouvelles, il fallait des ressources nouvelles. Il a aussi dit qu’il y avait accord du président de la Commission européenne Juncker sur cette approche-là », a-t-elle relevé.
Réorganisation en filières
Après avoir déjeuné avec dix-huit éleveurs de différentes régions, le président a repris ses déambulations dans le salon. Sur le stand des céréaliers, à un agriculteur qui lui demande d’où viendront les 5 milliards du plan d’investissement promis à l’agriculture, il répond « qu’ils ne seront pas pris ailleurs ». « J’ai pris un engagement de 5 milliards d’euros, j’ai évoqué un milliard pour les garanties de haut de bilan et 900 millions pour le fonds de mécanisation, puis pour le reste on fera des appels à projet », détaille-t-il.
Pour déminer le terrain devant l’angoisse du monde rural, le président avait déjà expliqué jeudi à 700 jeunes agriculteurs reçus à l’Elysée qu’il voulait réorganiser l’agriculture en « filières » pour tenter de garantir sa rentabilité, tout en la sortant de sa dépendance aux fonds publics européens.
Ce plan de 5 milliards d’euros est une composante essentielle de ce programme.