Fondateur et ex-président, Julien Marcuccini porte beau ses 79 ans et raconte avec passion la cuma de Breil-sur-Roya. «Ici, à la fin des années 70, nos 150.000 oliviers étaient victimes de la fumagine. C’est un ravageur qui anéantit la production. La Chambre d’agriculture proposait un traitement chimique. J’étais professeur de biologie au collège. Avec Albert et Jean Ipert, nous nous sommes donc lancés dans la lutte biologique en milieu oléicole, avec comme partenaire l’Inra d’Antibes, qui nous a vraiment beaucoup soutenus. Pendant six ans nous avons installé un insectarium au collège de Breil, dans des courges! Nous avons testé une lutte biologique avec un insecte prédateur de la cochenille, le vecteur de la fumagine. L’Inra nous a conseillé de tester des mini-guêpes d’Afrique. Elles pondent dans la cochenille. Les ados du club de biologie du collège étaient hyper motivés, ils ont propagé la lutte biologique au milieu oléicole. Ils étaient très efficaces pour convaincre la population. Cela a permis d’enrayer le fléau.»
Oliviers sauvés, cuma créée
«En deux ans, les oliviers de la zone géographique du Breil étaient guéris! Nous avons eu les honneurs du recteur d’académie et ce procédé a soigné tout le bassin méditerranéen. Au collège, par la suite, nous avons même reçu un stagiaire ingénieur agronome d’Isara qui travaillait sur la lutte biologique.»
A l’issu de cette belle réussite, le Conseil général conseille à tout ce petit monde de créer une cuma à Breil. «En 1981, nous avions ainsi 40 adhérents, en 2000 nous étions 200 adhérents. Aujourd’hui ils sont près de 300. Dans notre cuma, exploitants agricoles et propriétaires d’oliviers pluri-actifs sont associés, tous sont propriétaires d’oliviers. Nos statuts sont adaptés pour accueillir ce public mixte.»
Fabrication de pâte d’olives, le caviar niçois
La cuma permet de conserver un patrimoine agricole en mettant à disposition des adhérents du matériel pour la récolte d’olives et en mutualisant un atelier de fabrication de pâte d’olives qui produit entre trois et quatre tonnes de pâte d’olive par an. «Le « caviar niçois » est obtenu en broyant des olives saumurées auxquelles on rajoute moins de 10% d’huile d’olive. Nos olives ne sont d’ailleurs pas les mêmes qu’ailleurs. La variété locale d’olivier c’est la Caillette, produite par le Cailletier, un cultivar d’olivier. Les olives sont beaucoup plus douces.» 60% de la production locale est transformée en pâte d’olive. En 2017, la cuma a même investi dans une nouvelle dénoyauteuse, financée à 40% par le Conseil départemental.
La cuma possède depuis 2002 un local de 233 m². L’atelier de transformation pour la pâte d’olive abrite la dénoyauteuse et tout le matériel nécessaire. Le local abrite aussi un hangar de stockage du matériel agricole destiné à la récolte mécanisée, du matériel de débroussaillement, de fauchage, de labour, des fendeuses de bûches, des remorques. David Delorme, salarié tractoriste, gère le planning des réservations, assure le labour des terrains des adhérents…
«Aujourd’hui je passe la main parce que ça fait 39 ans que je fais ça. Nous avons désormais une trésorerie très saine, du matériel, des adhérents, des locaux et des projets. Nous n’avons pas envie que ce formidable outil disparaisse. Mes anciens élèves sont devenus adhérents» apprécie Julien Marcuccini. Albert Ipert reprend le flambeau à la présidence de la cuma. «C’est un bel outil, bien géré. Ce serait vraiment dommage de le perdre.» En 2015, la cuma a décidé d’accueillir dans ses locaux l’Association Foncière Agricole pour la fabrication de la crème de marron, une autre production de la région. Le projet est en cours de concrétisation, le laboratoire répondant aux normes d’hygiène sera bientôt terminé. La relève est assurée à la cuma Breil-sur-Roya!
Article extrait du numéro spécial Entraid’ Provence-Alpes-Côte d’Azur – décembre 2019.