La loi Bouchardeau (1983) est la première à parler de « participation du public », en créant les enquêtes publiques. D’autres textes suivent, puis le principe de la participation des citoyens est inscrit dans la Constitution. Mais le Conseil constitutionnel juge ce principe bafoué dans plusieurs textes-cadres adoptés par le gouvernement. Une loi est votée en 2012, réaffirmant cette règle. Dans les faits, elle peine à s’appliquer et aujourd’hui, personne n’est content: associations, zadistes, collectivités, entreprises… Ces dernières mettent en avant la complexité du processus, le coût de la concertation (à leur charge), la possibilité accrue de recours sur des vices de procédure. Les ONG ont le sentiment d’être peu écoutées et le public pas vraiment consulté.
Projets sous tension
Contournements de villes, lignes à haute tension… les associations environnementales recensent plusieurs dizaines de « grands projets inutiles », face à des élus qui mettent en avant besoin d’équipements ou espoir d’emplois. Ainsi les lignes TGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, dont le gouvernement vient de signer la déclaration d’utilité publique, malgré l’avis négatif de la commission d’enquête publique. A Roybon (Isère), les travaux du « Center Parcs » sont suspendus par la justice. A Bure (Meuse), des opposants au futur site de stockage de déchets radioactifs ont reçu mardi une ordonnance d’expulsion. Près de Paris, « EuropaCity », futur centre commercial géant avec piste de ski, fait grincer des dents.
« Ces projets ont en commun l’absence de dialogue et de médiateur. La discussion dégénère et c’est au juge que l’on demande d’être médiateur, ce qui n’est pas son rôle », pointe l’avocat Arnaud Gossement. Lundi, au lendemain du vote sur Notre-Dames-des-Landes, le gouvernement a mis en ligne un projet d’ordonnance pour renforcer la participation des citoyens en amont, qui doit être adopté cet été.
Quels changements prévus?
La Commission nationale du débat public (CNDP) devient « Haute autorité de la participation citoyenne » et autorité administrative indépendante. Elle voit ses missions et moyens élargis (conciliation notamment). Est aussi prévue la création d’un « droit d’initiative citoyenne » qui permettra de réclamer une concertation préalable. « On est dans un pays capable de réconcilier développement économique et environnement, de respecter les citoyens, de mettre sur la table les vrais chiffres des vrais projets (…) pour que les décisions soient prises dans l’intérêt général », assure la ministre de l’Environnement Ségolène Royal. Ce texte est « une avancée », estime Denis Voisin, de la Fondation Hulot. Mais il faut que « la culture des politiques, des aménageurs change, que se développe une culture du compromis« . « C’est un progrès, même si cette ordonnance ne change pas en profondeur la démocratie participative », dit Benoît Hartmann, de France Nature Environnement. « Il faut que l’on puisse enfin poser la question: fait-on ou pas (ce projet)? Jusqu’ici la seule possibilité c’est on va faire ça, que fait-on pour faire le moins de mal possible? ». Mais le texte ne donne pas de clé pour sortir des situations déjà conflictuelles.
Le référendum, une solution?
Une ordonnance a été publiée à la hâte en avril pour permettre le vote sur Notre-Dames-des-Landes, et a inscrit cette possibilité dans les textes. Malgré l’avis négatif du CNTE, instance réunissant ONG, patronat, syndicats, consommateurs et élus. Pour des projets aussi avancés que le fameux aéroport, un vote ne peut que « figer les positions », déplorent les défenseurs de l’environnement, réservés sur ce type de consultation. « Le référendum ne répond pas au problème: c’est la qualité de l’étude d’impact avec l’aval d’une autorité indépendante qui importe », dit Arnaud Gossement. « Au Grenelle de l’environnement (2007), on s’était dit qu’on ne ferait plus jamais comme ça: on somme les gens de choisir un camp, il y a des gagnants et des perdants, des insultes sur les réseaux sociaux, c’est une conception guerrière de la démocratie, c’est n’importe quoi! » Sur Notre-Dame-des-Landes, l’objectif du gouvernement était « de gagner du temps », mais « on n’en a pas encore fini avec ce projet ».