La France a traversé deux ans d’une crise majeure, se heurtant à la concurrence féroce des autres pays européens dans le lait et la viande en raison de la surproduction, puis voyant ses parts de marché grignotées après avoir réalisé les plus mauvaises récoltes de céréales depuis la deuxième guerre mondiale.
Malgré tout, les 474.000 agriculteurs français ne vont pas tous mal, loin de là.
Les pôles d’excellence internationale que sont la viticulture, le cognac notamment, continuent d’être parmi les plus gros postes d’exportation du pays. Le camembert, le comté ou le roquefort et les autres fromages AOC sont connus dans le monde entier. Mais l’ouvrage publié début février par Xavier Beulin, « Notre agriculture est en danger » (Tallandier), faisait lucidement le constat de « l’heure des choix » à laquelle est confrontée aujourd’hui l’agriculture, en « crise majeure » et à « bout de souffle ».
« Grand pays agricole par tradition, la France doit s’inscrire dans un projet global qui intègre les nouveaux défis planétaires: prévenir le changement climatique, assurer l’alimentation d’une population mondiale qui continue de croître, s’adapter aux nouvelles énergies et répondre aux attentes d’une société de plus en plus urbaine », résumait-il dans son livre.
Le défi semble inatteignable pour beaucoup de paysans surendettés et déboussolés par les injonctions contradictoires auxquelles ils sont soumis: pressés de produire plus pour amortir leurs investissements et alimenter l’industrie agroalimentaire, sommés aussi de produire mieux, avec moins d’engrais chimiques et la prise en compte du bien être animal, pour répondre aux demandes des citadins et aux contingences climatiques.
Suicides silencieux
S’ensuivent une succession de suicides silencieux dans les campagnes, qui ont alerté l’opinion. Le tout sur fond de changement d’orientation vers des pratiques plus écologiques de la politique agricole commune européenne (PAC), et de pressions de la grande distribution pour une baisse des prix qui étrangle les petits producteurs.
« Alors que le rendement moyen de la production de blé était de 15 quintaux par hectare en 1950, quarante-deux ans plus tard il était de 65! », se réjouissait M. Beulin dans son ouvrage. Mais tout en louant la force du syndicalisme agricole qui a permis la modernisation du secteur, il reconnaissait amèrement que l’agriculture est aujourd’hui devenue un « cauchemar », une « détestation » pour certains de ses concitoyens.
Dans sa dernière interview publiée samedi par Le Parisien, Xavier Beulin admettait qu’après ces succès passés, aujourd’hui « 20.000 fermes sont menacées de disparition » en France. Il se désolait aussi de voir que 40% des poulets et une tomate sur trois consommés en France sont importés de l’Union Européenne. Pour sortir l’agriculture française de l’ornière, la FNSEA a fait 13 propositions concrètes « à mettre en oeuvre dans les 200 premiers jours du prochain quinquennat »: un plan d’investissements de 6 milliards d’euros sur cinq ans, la mise en place d’une TVA sociale ou encore d’une réforme de la fiscalité.
Le défunt patron de la FNSEA était en profond désaccord avec le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, sur les modes de production d’avenir pour l’agriculture française. « J’ai été un promoteur de l’agroécologie et je continue à l’être », a dit le ministre lundi lors d’un déplacement à Rouen sur l’agroécologie.
« Je suis convaincu qu’il y a des potentialités énormes si on réinvestit les mécanismes naturels, si on réutilise au profit de la production et des agriculteurs une gestion des écosystèmes, alors que Xavier Beulin était plus sur la logique de l’offre et de la transformation », a-t-il ajouté.
L’avenir de l’agriculture française, l’une des plus diversifiées du monde tant en termes de paysages que de productions, sera peut-être de se réorienter autour de deux grands pôles: d’un côté des exploitations de plus en plus grandes, détenues par des capitaux financiers, de l’autre des micro-fermes dans les périphéries des villes, pourvoyeuses de fruits et légumes bio pour les citadins. Ce sera l’enjeu de la prochaine présidence de la FNSEA. Personne ne s’est encore déclaré candidat au poste.
Paris, 20 fév 2017 (AFP).