Les haies et les arbres représentent un intérêt certain pour compléter l’alimentation des animaux. C’est justement dans cette optique d’agroforesterie, que la ferme Chez Ducreux à Villers-le-Lac, dans le Doubs, a accueilli une quinzaine de participants de tous horizons (agriculteurs, porteurs de projet, acteurs du monde agricole…) pour une matinée autour de la haie et de sa valorisation en élevage. Cette matinée était dédiée au retour d’expérience d’Adrien Méssean. L’après-midi sur le terrain était, quant à elle, consacrée à la découverte des projets de la ferme.
Retours d’expériences d’agroforesterie
Adrien Méssean est éleveur allaitant dans l’Aisne et botaniste au conservatoire des espaces naturels des Hauts-de-France. L’un des objectifs de son exploitation est d’atteindre l’autonomie totale pour l’alimentation de ses vaches limousines. Et cet objectif, il l’atteint par l’utilisation de fourrages ligneux.
La technique d’affouragement ligneux nécessite en premier lieu de bien connaître le contexte de son exploitation (type de sol, climat, altitude, chargement…) afin d’adapter l’entretien de la ressource ligneuse existante ou les plantations à réaliser.
L’expérience de cet éleveur, en tant que botaniste, a permis d’ouvrir les esprits sur les possibilités, en termes d’essences d’arbres et d’arbustes à exploiter localement : frêne, saule, orme, sureau noir, noisetier, tilleul, érable champêtre, charme, peuplier noir, etc. Créant parfois la surprise parmi les agriculteurs présents lorsqu’ils se rendaient compte de la richesse déjà présente sur leur ferme.
Compléter les rations
Grâce à son retour d’expérience, de nombreuses discussions ont émergé sur l’agroforesterie, notamment sur la gestion des ressources déjà présentes sur les exploitations (forêts, fourrés, bosquets, haies…). Cela peut aussi permettre de compléter les rations des animaux lors des périodes de sécheresse (d’août à septembre, voire plus), en frais ou en sec, sur place ou par la récolte.
La valorisation d’une parcelle communale de peupliers, par exemple, représente divers avantages. Ce n’est pas toujours optimal mais cela permet de valoriser l’existant et c’est une opportunité. L’utilisation des fourrages ligneux permet, notamment, de mieux gérer les prairies tournantes l’été, et ainsi d’être complètement autonome pour l’alimentation de l’élevage. En revanche, le séchage des feuilles est un aspect assez contraignant.
Le tout en respectant, évidemment, les différentes règlementations en vigueur (PAC, loi de protection des espèces sensibles, cahier des charges, etc.).
Et comme il est toujours plus facile de retenir par la pratique, l’après-midi a laissé place à Victor et Jean Faivre-Pierret, pour expliquer les projets de plantation et d’entretien de leur ferme. Ceux-ci restent en lien avec leurs objectifs de production et leur contexte de travail.
Le groupe a également assisté à une démonstration de bouture de sureau noir et de plessage sur un jeune tilleul, pour combler une haie et offrir des repousses appétentes dans quelques années.
Réfléchir ensemble sur l’agroforesterie ?
Introduire la technique de l’affouragement ligneux nécessite de repenser en partie le système d’exploitation et d’adapter l’innovation à son contexte : temps de travail disponible, compétences, organisation du pâturage, mécanisation, organisation de l’entretien, etc. Cela implique donc de se tester localement, d’échanger avec d’autres agriculteurs pratiquant et de continuer à se former.
Pour cela, le système de la cuma peut être un élément support de la réflexion sur l’agroforesterie, en mettant en réseau les agriculteurs qui pratiquent déjà cette technique ailleurs. En supportant les investissements liés à l’entretien (broyeur, grappin coupeur, déchiqueteuse, etc.) et en offrant la possibilité d’organiser des chantiers en commun (entraide, banque d’entraide, emploi, etc.). Elle peut également être un lieu où les agriculteurs intéressés continuent d’échanger localement et de se former sur la technique et les pratiques mises en place grâce à des partenaires.
Cette mise en réseau est également entretenue grâce à l’outil Landfiles, développée par un adhérent de l’Afaf (Association française d’agroforesterie), permettant de partager des photos et des expériences sur la technique des fourrages ligneux. Le groupe du Doubs qui s’est constitué autour du sujet commence à prendre racine, et se retrouvera bientôt pour continuer les échanges et passer de la théorie à la pratique.
Témoignage de Victor Faivre-Pierret, éleveur dans le Doubs
“Nous avons rapidement fait face à un manque de fourrages pendant l’été sur notre exploitation. Pour nous adapter, nous avons diminué la taille du troupeau de 120 à 86 vaches afin de limiter la présence des animaux dans le bâtiment l’été.
Puis, j’ai vu que les vaches mangeaient les feuilles des arbres. J’ai commencé à me renseigner sur le sujet : l’utilisation des fourrages ligneux est déjà pratiquée dans certaines fermes et elle peut être optimisée et valorisée à travers une multitude de techniques.
Au début, nous avons essayé en incorporant des branches de frêne et de saule marsault pour tester l’appétence : c’était très chronophage pour peu de feuilles.
En 2022, nous avons réfléchi et réalisé une plantation de haie avec des arbres et de la vigne, avec l’aide des MFR locales. Nous poursuivons cette réflexion afin de gérer au mieux cette haie. Nous l’exploitons comme une parcelle en elle-même et cherchons à ne pas favoriser les épineux. Pour cela, nous la mettons en défens au printemps, et on regarde à valoriser l’existant.”
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