Audrey est née en 1987 ; Corentin et Clara, en 1993. Ces jeunes installés, membres de trois cuma charentaises, font partie de cette génération Y que l’on appelle aussi les «Digital natives» ou les «Millénials». Ils font partie de la toute première génération à être née avec le monde d’internet, les réseaux sociaux, les jeux vidéo. C’est une génération plus diplômée que celle de leurs aînés, la génération X, née entre 1965 et 1980. On peut distinguer ainsi plusieurs classes d’âges selon les époques successives qui témoignent d’une agriculture intergénérationnelle.
De 1946 à l’après 2000
Les Baby-boomers, nés entre 1946 et 1965. Ce sont souvent la seconde génération des membres fondateurs des premières cuma constituées après-guerre. Plus généralement, les membres fondateurs de la vague des cuma des années 80. Ils ont aujourd’hui entre 55 et 60 ans et commencent à réfléchir «transmission et retraite».
La génération X, née entre 1965 et 1980. Ce sont les adhérents de 40 à 55 ans. Ils ont intégré la cuma depuis plusieurs années. Certains y ont pris des responsabilités et ont vu deux à trois «renouvellements» de matériels. Ils ont connu l’avènement d’internet, plusieurs PAC, la montée en puissance de l’Union européenne dans la politique agricole et les mises aux normes.
La génération Y, née entre 1980 et 2000, désignée comme les «nouveaux arrivants»! Cette génération a entre 25 et 35 ans et elle est familièrement appelée «les Jeunes». Ils sont «tombés» dans le digital et ont grandi en même temps qu’internet et le numérique. Ils viennent d’intégrer la cuma ou l’ont fait depuis peu. Leurs ainés sont toujours là et ils doivent trouver leur place. C’est une génération d’une grande capacité d’adaptation.
La génération Z, née à partir de l’an 2000, est présente sur les exploitations et les cuma sous la forme de contrat d’apprentissage. Cette génération n’est pas encore arrivée sur le marché du travail. Ils sont plutôt débrouillards et hyperconnectés! Nombre d’entre eux rêvent d’indépendance et songent à créer leur entreprise.
Une génération optimiste
Audrey va bientôt être maman. Tout comme Clara et Corentin, elle regarde son rêve et son projet professionnel ainsi que l’avenir de sa cuma, avec optimisme! Dans quelques mois, ils se rencontreront peut-être lors de la formation «Adhérent et acteur de ma cuma» proposée à l’automne par la fédération de cuma des Charentes. Au programme: étude des principaux fondamentaux du fonctionnement coopératif en vue de construire les stratégies et les décisions de demain au sein de leur collectif. Ce sera l’occasion d’échanger et d’avancer vers la recherche de solutions, entre membres de la génération Y.
Clara, conductrice de la mélangeuse-distributrice
Clara a intégré le gaec La Garenne (polyculture-élevage, vaches laitières), adhérent de la cuma St Germain-de-Marencennes, comme associée, après son BTS Acse. Elle n’a pas hésité à devenir responsable de la mélangeuse automotrice distributrice de la cuma. Et responsable du suivi de la salariée avec qui elle en partage la conduite. Ce qu’elle apprécie dans sa cuma: la grande variété de matériels. Mais aussi la diversité des exploitations et des groupes de productions dont certains sont en bio.
La moyenne d’âge est de 45 ans. Pour elle, «tout se passe bien entre les générations», la communication est bonne, ainsi que l’entente. C’est important pour elle. Elle comprend la génération des 50-60 qui quelquefois en ont un peu «ras-le-bol» des normes. Mais pour sa génération, elle est plutôt optimiste quant à la conjoncture. «Ma génération fera avec et trouvera des solutions», pense-t-elle. Quand le temps sera venu, elle envisage de s’investir encore plus dans la cuma: «Cela ne m’effraie pas et je ne vis pas cette possibilité comme une contrainte.»
Corentin, nouveau trésorier
Pas d’hésitation non plus chez Corentin, nouveau trésorier de la cuma La Fontaine issue d’un regroupement de deux cuma (la Ruche Loiréenne). Après son BTS Agriculture production végétale en alternance à l’ESA d’Angers, complété par un BTS réalisé en 1 an en machinisme, il devient salarié de l’Earl dont il est aujourd’hui l’un des gérants associés.
Celle-ci mène son activité de production céréalière ainsi que de semences. L’Earl était déjà adhérente de la cuma la Ruche Loiréenne et Corentin entretenait déjà une partie du matériel de la cuma avant son installation. «Trois générations se côtoient et s’entendent bien pour l’organisation et le partage du matériel. Chacun respecte le règlement, c’est important. Les plus anciens nous disent de faire ce que l’on veut, les 40-50 ans sont toujours partant pour de nouvelles technologies. Notre choix se porte de manière volontaire sur des matériels innovants mais qui proposent également une utilisation plus «simple» pour ceux qui le souhaitent. C’est important de ne laisser personne sur le côté. Par exemple, nous avons investi dans un épandeur à engrais Kuhn avec coupure de tronçons (liaison Isobus avec GPS) qui propose également la modulation par carte pour ceux qui désirent une utilisation plus précise.»
Il poursuit: «Je n’ai pas de crainte sur mes nouvelles responsabilités, ni de doute sur l’intérêt de cette cuma. Dans quelques temps, nous pourrons peut-être réfléchir à de nouveaux besoins. Et particulier sur les exploitations d’élevage, en matière de main-d’œuvre partagée.»
Audrey, une affaire de famille et une évidence
Pour Audrey, la cuma la Seudre, c’est une affaire de famille. Comme Obélix, elle est tombée dedans toute petite puisque son père, aujourd’hui en retraite, en est l’un des anciens présidents. Après son BTS à l’Ireo de Bressuire dans le Service aux Entreprises puis une licence en Agronomie et développement du conseil au lycée Venours sous l’égide de l’Université de Poitiers, elle revient s’installer sur l’exploitation en 2018 en polyculture-élevage et bovins allaitants.
Elle sourit à l’évocation de sa prise de responsabilité au sein du conseil de la cuma. «J’avais reçu une facture de travaux qui m’avait un peu surprise et dont je ne comprenais pas le tarif. J’ai décidé de venir à l’assemblée générale de la cuma pour poser des questions. Ce jour-là, ce fut comme une évidence. Il fallait que je prenne ma part et je suis rentrée dans le conseil d’administration lors de l’élection. Sans la cuma, mon exploitation ne pourrait pas développer son activité et avoir accès à du matériel aussi performant. Je suis secrétaire et je prends doucement ma place. On a encore besoin de partager les responsabilités et qu’encore plus de jeunes s’investissent dans les prises de décisions de manière générale. Nous devons être à l’écoute des besoins des uns et des autres et faire le pari de la transparence et de la communication.»
Article extrait du numéro spécial Entraid’ Charentes – février 2020.