Accidents du travail en chantier ? Plutôt en atelier
C’est bien dans l’atelier que se déroulent, dans cet échantillon, les deux-tiers des accidents du travail, et aux alentours des hangars (plateforme, cour, aire de lavage, etc). Chantiers et champs n’ont représenté que 10 % des cas.
Bras et jambes blessés ? Plutôt mains et yeux
Les mains représentent à elles seules la moitié des sièges des lésions, avec des accidents plus ou moins graves, qui vont de la simple coupure jusqu’à l’amputation de doigts. Les yeux représentent aussi 18 % des sièges des lésions. Ce sont principalement des projections de corps étrangers dans les yeux qui entraînent le plus souvent de petits arrêts de travail.
Automoteurs : dangereux, même à l’arrêt
Les automoteurs représentent 40 % des cas d’arrêts de travail, comme les outils attelés. La moissonneuse-batteuse et l’ensileuse comptabilisent à elles deux 23 % des accidents. L’outillage concerne aussi 15 % des cas.
Et les accidents du travail des agriculteurs ?
Cette analyse concerne un nombre restreint d’accidents du travail, de salariés de cuma. Qu’en est-il pour les agriculteurs ? Les dernières statistiques de la MSA sur le sujet (2) font état d’une baisse des accidents du travail déclarés par les exploitants (les « non-salariés agricoles ») avec malgré tout 104 accidents mortels sur une année (dont 44 % d’éleveurs de bovins). Au niveau des accidents indemnisés, la filière bois vient en tête, suivie de celle de l’élevage de bovins.
Éliminer un accident sur deux ?
Une phrase à retenir : on évite un accident sur deux avec la mise en place du DUER, document unique d’évaluation des risques professionnels dans une entreprise. Un accident sur deux !
Depuis 2001, ce DUER est de toute façon obligatoire dans les entreprises qui accueillent des salariés (stagiaires compris). Son objet est de recenser les risques auxquels sont exposés les personnels et surtout d’organiser la mise en œuvre de préconisations visant à annuler ou tout au moins à réduire les risques et leurs impacts.
Les employeurs en cuma peuvent s’adresser à leur fédération de cuma de proximité pour le remplir et l’actualiser. Le tout financé par les dispositifs de formation existants.
Cerises sur le gâteau : cet outil peut servir à mettre en place un dialogue constructif avec adhérents et salariés. Sur la sécurité en premier lieu, ce qui les mènera bien entendu sur l’organisation du travail, l’équipement, la pénibilité. De là à faire du DUER un outil de management et de fidélisation, il n’y a qu’un pas.
Et les agriculteurs peuvent dans bien des cas bénéficier de ces améliorations, s’en inspirer pour leurs exploitations en prenant en compte des aspects jusque-là négligés.
(1) Appui RH, Commission Prévention Sécurité cuma
(2) MSA, Info stat Les déclarations d’accidents du travail et maladies professionnelles des non-salariés agricoles
Anthony, chauffeur-mécano, un doigt sectionné
Anthony, 38 ans, est salarié de cuma depuis plus de 11 ans. Il est le seul chauffeur mécanicien de la cuma. L’accident du travail survient en fin de campagne des battages, vers 10 h, dans l’atelier de la cuma.
Lors du démontage du diviseur de la coupe de la moissonneuse-batteuse pour installer la coupe à colza, alors qu’il tenait l’écrou avec son doigt à l’intérieur de la pièce pour dévisser un boulon, la pièce lourde aux bords tranchants bascule vers l’avant et lui sectionne le doigt.
Il n’était pourtant pas pressé et avait du temps devant lui. Anthony est un salarié expérimenté et très prudent, mais il le dit lui-même : « Je m’y suis mal pris, je m’y suis pris à l’envers. Il aurait fallu que j’aille chercher la clé de 19 qui était à 5 m pour retenir l’écrou, même si celui-ci se dévissait tout seul. »
Sur le coup, il ressent une douleur au doigt, mais pense à un simple pincement. Mais il s’aperçoit vite qu’il manque une partie du doigt. Il fait rapidement un pansement provisoire pour arrêter le saignement abondant. Puis il appelle le trésorier de la cuma, chez qui il devait se rendre pour le chantier de récolte, la tête lui tourne. Ce dernier appelle les pompiers qui interviennent rapidement. Ils récupèrent le morceau de doigt, le placent dans une poche réfrigérée et se rendent directement à la clinique de la main. Deux heures plus tard, Anthony est anesthésié, puis opéré du doigt vers 14 h. À 15 h,il sort du bloc opératoire, mais malheureusement la greffe n’a pas pu être réalisée, car le doigt est trop abîmé. Cet accident du travail, plutôt grave, a occasionné 47 jours d’arrêt.
Un responsable salarié : « Devenir attentif à la fatigue »
Dans cette autre cuma qui a affronté plusieurs accidents du travail d’affilée, un responsable salarié analyse : « Nous avons la chance d’avoir des salariés volontaires, mais qui ne veulent pas toujours s’arrêter. Car ils sont entraînés par le volume du travail à faire sur la saison. Dans ce cas, l’employeur doit jouer son rôle et les mettre au repos. Dans nos cuma, nous pourrions envisager :
- d’inciter les salariés à être plus attentifs à leur fatigue et éventuellement leur surmenage, afin qu’ils puissent se reposer quand ils en ressentent le besoin.
- de se mettre des repères pour respecter le repos des salariés, par exemple, mettre des quotas d’heures d’ensilage à la journée qu’il ne faudrait pas dépasser, car la machine pourra toujours plus mais pas l’humain.
- de maintenir un roulement en « 2×8 » en période de pointe.
- d’accompagner plus particulièrement les apprentis pour ne pas non plus les mettre en difficulté lors des pics d’activité.