Cette rencontre vendredi à 27, sans le Royaume-Uni, doit constituer une étape clé vers la nouvelle Union, plus soudée, que les Européens veulent bâtir après le Brexit. Mais à un an du départ de l’un de ses membres les plus importants, prévu en mars 2019, deux obstacles se dressent sur sa route: les questions budgétaires et le mode de nomination aux postes les plus élevés de l’UE.
M. Juncker a été nommé à la tête de l’exécutif européen à l’issue des élections européennes en 2014, via le système controversé dit du « Spitzenkandidat ». Ce terme allemand désigne une procédure selon laquelle le candidat « tête de liste » du parti européen qui remporte le plus de voix, obtient le poste.
Le Parlement européen et M. Juncker sont favorables à ce que ce système soit reconduit pour les élections européennes de mai 2019, car il renforce selon eux la démocratie en Europe. Le président du Conseil européen, Donald Tusk -qui coordonne les sommets et représente les Etats membres- devrait proposer plusieurs options lors du sommet, notamment celle d’un maintien du « Spitzenkandidat ».
Divisions
Mais plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE sont opposés à ce système qui les met, selon eux, en marge au profit d’accords conclus en coulisses par des partis politiques, basés à Bruxelles. Selon une source européenne, les dirigeants devraient rappeler que, selon les traités, c’est à la fois « leur droit et leur obligation » de désigner le chef de la Commission, tout en prenant en compte l’avis du Parlement.
Le président français Emmanuel Macron s’est dit cette semaine favorable au respect des traités européens en la matière. M. Juncker a pour sa part qualifié le système de « Spitzenkandidat » de « tout à fait logique ». Il a aussi appelé à une fusion de son poste avec celui de M. Tusk.
Le sujet est devenu encore plus conflictuel depuis que le Parlement s’est récemment prononcé contre le projet de listes transnationales pour les élections européennes de 2019, qu’Emmanuel Macron avait fermement appuyé. « Pourquoi devrions-nous avoir un ‘Spitzenkandidat’ si nous n’avons pas de listes transnationales pour les élections? », a twitté le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel.
Des divisions encore plus profondes, cette fois-ci entre Etats membres eux-mêmes, risquent également d’apparaître sur la question du futur budget pluriannuel de l’UE: comment combler le trou laissé par le départ du Royaume-Uni? La Commission européenne a publié mercredi un « catalogue » d’options pour le budget post-Brexit de l’UE, sorte de « menu » pour aider les dirigeants à déterminer le coût des priorités qu’ils se fixeront.
Epouvantail
Le départ du Royaume-Uni va laisser un vide de 12 à 15milliards d’euros chaque année, dans les finances européennes. Une perte considérable au moment où l’UE cherche à financer de nouvelles politiques, en matière de défense ou de migration notamment. Le commissaire au Budget, Günther Oettinger, a suggéré que les contributions au budget puissent atteindre 1,1% à 1,2% du PIB de l’Union contre 1,0% actuellement. Les Pays-Bas, le Danemark, l’Autriche, la Suède et la Finlande, tous contributeurs nets, y seraient opposés.
Le risque serait sinon de devoir « couper » dans la Politique agricole commune (PAC) -un épouvantail pour la France- ou les « Fonds de cohésion », qui bénéficient aux pays les plus pauvres à l’est de l’Europe. La question d’une « conditionnalité » entre les versements de financements européens et le respect des valeurs fondamentales de l’UE pourrait aussi apparaître vendredi au sommet.
Malgré ces tensions en arrière-plan, l’UE continue d’insister sur le besoin d’unité dans les négociations du Brexit. M. Tusk devrait demander vendredi aux dirigeants s’ils souhaitent aller de l’avant lors d’un sommet le 22 mars, avec la publication d' »orientations » consacrées à la future relation avec le Royaume-Uni. Les incertitudes sur ce que veut Londres, ainsi que les discussions difficiles sur la période de transition qui suivra le Brexit, pourraient cependant remettre cela à plus tard.