Transmission des exploitations: attention aux idées reçues!

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Transmission des exploitations: attention aux idées reçues!

Les organisations agricoles se préparent à une vague de départ en retraite. (Crédit: Adobe Stock)

Age moyen d’un agriculteur en France: 52 ans. Logiquement, les organisations agricoles se préparent à une vague de départ en retraite. Pour autant, cela correspondra-t-il à une forte augmentation des cessions d’exploitations? Pas si sûr. Tour d’horizon de quelques fausses évidences, battues en brèche par les premiers chiffres du dernier Recensement agricole, et les retours du terrain.

Le tri du vrai du faux sur 6 idées reçues concernant la transmission des exploitations agricoles.

Idée reçue #1 sur la transmission des exploitations: il va y avoir une montagne d’exploitations à reprendre

Surévalué! D’abord en raison d’un nombre important d’exploitations en société, c’est-à-dire au sein desquelles travaillent plusieurs associés. «Effectivement, la moitié des agriculteurs vont prendre leur retraite dans 10 ou 15ans,» souligne l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie, de l’Académie d’Agriculture de France. «Mais cela ne signifie pas pour autant que la moitié des fermes vont être à céder.

Dans ces exploitations sociétaires, le ou les associés restants peuvent rechercher un associé, un salarié ou encore simplifier le travail pour pallier le départ en retraite.» Les premiers chiffres du Recensement agricole de 2020 indiquent que la moitié des exploitations produisant plus de 50.000€ de produit brut standard (PBS) sont des structures sociétaires.

Constat appuyé par Bernard Charlotin, fondateur de site Ma-Propriete.fr, et fin connaisseur des transactions entre cédants et repreneurs d’exploitations agricoles. Il ajoute: «ll y aura des transmissions en raison de la démographie agricole. Mais il ne faut pas négliger le nombre de transmissions familiales, de transmissions organisées à l’avance, bien anticipées. Dans les zones les plus tendues, dans les secteurs productifs en grandes cultures par exemple, la demande est toujours très importante. Il ne faut pas s’imaginer que dans ces secteurs, on va se retrouver avec 10% des fermes à vendre. Cela n’arrivera pas.»

Idée reçue #2: tout ça, c’est à cause de la démographie agricole

Simpliste! Bernard Charlotin a co-fondé et dirigé le cabinet de transactions Quatuor de 2004 à 2020. Il intervenait, avant de fonder Ma-Propriete.fr, dans des transmissions d’exploitations agricoles et viticoles, dans l’Ouest de la France, de la Normandie aux Pyrénées.

«Les départs en retraite représentaient entre 50 et 55% de nos vendeurs. C’est important, mais cela signifie que les 45% restants ne venaient pas pour un motif de retraite. Certains souhaitaient vendre parce qu’après des années dans leur métier d’agriculteur, ils voulaient passer à autre chose. J’en ai rencontré pas mal qui étaient dégoûtés de leur métier. Ils en avaient assez de la pression administrative notamment, de ce poids, alors qu’eux voulaient davantage un métier de liberté, d’autonomie, ce qui est de moins en moins le cas pour les agriculteurs. J’ai vu aussi des ventes liées à des accidents de la vie, des décès, des maladies, des divorces, voire des conflits dans des sociétés.»

Idée reçue #3 sur la transmission des exploitations: les agriculteurs vont disparaître du paysage

Non, et ils ne seront plus seuls! Le nombre d’agriculteurs devrait se maintenir, ou baisser moins vite. Mais on devrait aussi avoir davantage de salariés dans les zones rurales. Car la restructuration des exploitations agricoles ralentit, c’est l’un des enseignements des premiers résultats du recensement agricole. Et elle est à mettre en parallèle avec l’augmentation de l’emploi salarié dans les exploitations: «L’emploi salarié représentait 28% du travail en 2010, il en représente 33% aujourd’hui, et sera sans doute proche de 40% en 2030. L’enjeu de l’emploi salarié est donc fondamental pour l’avenir,» explique Jean-Marie Séronie, au diapason de nombreux responsables professionnels.

Par ailleurs, au moment crucial de la transmission des exploitations, Bernard Charlotin, du site Ma-propriete.fr, souligne le rôle des cédants. «Certains sont très attachés à ce que leur exploitation perdure, que ça reste une entité et que ça n’aille pas uniquement agrandir un voisin. Ces gens vont souvent être prêts à faire des concessions, pour permettre à quelqu’un de s’installer à leur suite. Cela peut être de garder le foncier, car l’acquéreur n’a pas la capacité financière pour l’acheter, et le lui louer au lieu de le vendre.

Et à l’inverse, on a d’autres agriculteurs qui ont un seul objectif, obtenir un maximum de valorisation. Ils vont être prêts à faire une vente de leur exploitation à la découpe. Ce qui a tendance à encourager la disparition des exploitations et la diminution du nombre d’agriculteurs dans les campagnes. Et c’est d’autant plus tentant dans les zones proches des grandes villes, où la partie immobilière, la maison avec quelques dépendances, vaut parfois très cher.»

Idée reçue #4: la souveraineté alimentaire de la France est en danger

Faux! «La France a perdu 100.000 fermes en 10 ans», titrait Ouest-France dans son édition du 10 décembre 2021, à l’image de très nombreux journaux, suite à la publication des premiers chiffres du Recensement agricole 2020. Doit-on s’inquiéter de cette grosse baisse?

Premier point: la surface agricole utile se maintient «à 26,7millions d’hectares (baisse de 1% par rapport à 2010) soit près de 50% du territoire métropolitain», indiquent les premières analyses du recensement. «Moins nombreuses, mais évoluant sur une surface constante, les exploitations s’agrandissent donc. En 2020, elles font en moyenne 69ha, soit 14ha de plus qu’en 2010 (+25%) et 27ha de plus qu’en 2000.»

Ensuite, analyse l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie, la moitié de la baisse du nombre d’exploitations (48%) est le fait de la disparition de fermes produisant moins de 2.000€ de production brute standard, «soit moins de 600 ou 700€ de marge brute. Ce ne sont pas ces exploitations qui assurent notre souveraineté alimentaire», pointe-t-il. «Il ne faut pas les rayer d’un trait de plume non plus, elles occupent le territoire, le mettent en valeur. Dans l’attente du reste des données, on peut supposer que ces fermes portaient essentiellement des activités de complément, de loisirs, dirigées par des retraités ou des pluriactifs. Pas inintéressantes, mais ce n’est pas sur ce type d’exploitation que repose la souveraineté alimentaire de la France.»

Idée reçue #5 sur la transmission des exploitations: le niveau de formation des agriculteurs a beaucoup augmenté

Oui mais pas assez. Gérer une entreprise agricole nécessite aujourd’hui de savoir s’entourer, déléguer, gérer des salariés, mesurer des risques, anticiper pour prendre des décisions lourdes. Des enjeux forts pour lesquels une solide formation technique, une connaissance approfondie des rapports de force et de l’environnement administratif n’est pas de trop. Sans compter «l’ouverture d’esprit» et la capacité à s’exprimer, à convaincre, très souvent cités par les répondants à notre enquête sur ce qu’ils ont retiré de leur formation.

Ce travail montre aussi qu’une bonne partie des agriculteurs a endossé son costume de chef d’entreprise, et se forme tout au long de sa vie à des compétences de plus en plus pointues. C’est la bonne nouvelle de cette enquête: l’offre de formation existe et évolue, les agriculteurs sont demandeurs et analysent avec précision leurs besoins et ceux de leur successeurs.

Idée reçue #6: il n’y aura pas assez de repreneurs

Variante «Les jeunes ne sont pas assez motivés pour devenir agriculteurs». Faux. Certes, les agriculteurs n’ont pas tous donné envie à leurs enfants de reprendre leur exploitation. Beaucoup les en dissuadent même! Mais certains rejetons s’entêtent. Et les formations agricoles attirent les candidats. Le nombre de consultations du Répertoire des installations est en augmentation.

Du côté des cabinets de transactions, la demande dépasse l’offre. «Beaucoup de gens qui voudraient s’installer en agriculture n’en ont pas toujours la capacité financière», constate Bernard Charlotin, du site Ma-propriete.fr. «C’est un vrai défi depuis longtemps de trouver des nouveaux modes de financement pour des gens qui ont la compétence, la motivation, mais pas le financement.» D’où le succès d’opérateurs militants du type Terres de Liens. Certaines Régions ont aussi identifié ce problème et créé eux aussi des foncières dédiées à l’installation comme en Occitanie.

Autre difficulté majeure, identifiée par Bernard Charlotin: «on ne trouve pas toujours l’adéquation entre les structures à vendre et les types de structures recherchées par les acquéreurs.» Cette distance à parcourir entre des structures rentables mais conséquentes, et des projets rentables mais beaucoup plus diversifiés et modestes, est au cœur de la difficulté à transmettre les exploitations aujourd’hui. Là encore, l’installation sociétaire, dans un contexte souple où chacun peut mener à bien ses projets sans investissement disproportionné, constitue une piste solide.

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