Loïc Pillot, est depuis 4 ans, le jeune Président d’une cuma de 80.000€ environ de CA. Celle-ci compte 40 adhérents actifs (60-70 adhérents au total) situés en zone de polyculture-élevage. Il agit de concert avec ses collèges pour acheter du matériel dans les règles, sans brûler les étapes. Cela met la cuma des Quat’Vents située du côté de Thénezay en Deux-Sèvres, à l’abri des chausse-trappes qui menacent les acheteurs de matériels agricoles trop pressés.
C’est particulièrement vrai en ce moment, où une certaine frénésie d’achats de matériels peut conduire à la précipitation, voire à l’imprudence. La cuma est vigilante sur le sujet. Même si elle a pu saisir l’opportunité du plan de relance pour lancer des activités nouvelles comme l’achat d’un broyeur d’accotement, d’un andaineur à fourrages ou d’un déchaumeur à dents qui étaient en réflexion depuis quelques temps. Jusqu’ici les prix de revient de ces matériels était jugés trop élevés en l’absence d’aides.
Loïc Pillot, retrace les grandes lignes du processus d’achat de matériels dans sa cuma.
1) Définition des besoins, réception des offres commerciales et vérification des délais de livraison avant d’acheter du matériel
« Avant d’acheter du matériel, on définit dans le détail ce que l’on veut, les options, les équipements, au cours d’une réunion du groupe d’adhérents concernés. Ensuite, on présélectionne les commerciaux susceptibles de nous intéresser. Puis on les rencontre. Ils nous font suivre leur devis précis avec les conditions de vente, y compris les délais de livraison. C’est un point important aujourd’hui dans le contexte actuel … En cas de décalage par rapport à la date prévue, nous n’appliquons pas de pénalité de retard. Cependant, nous cherchons un accord avec le vendeur. Comme c’est le cas avec le cover-crop qui devait être livré en décembre et qui ne sera livré qu’en janvier. Cela ne porte pas préjudice à la cuma. Nous avons néanmoins négocié avec le vendeur pour qu’il prenne momentanément à sa charge l’avance de TVA, de manière à ne pas retarder le remboursement du crédit TVA.
Par contre, pour l’achat de l’andaineur, c’est plus problématique. Il devait être livré au départ fin mars. Son arrivée sera repoussée après le début de campagne. Nous demanderons au vendeur qu’il nous mette si possible à disposition un andaineur de remplacement en attendant l’arrivée de celui qui est commandé. En effet, nous n’avons pas d’andaineur actuellement dans notre parc.
En cas de renouvellement, le retard de livraison est moins grave, car on peut utiliser l’ancien matériel déjà présent en attendant que le nouveau arrive. Avec une limite cependant: en cas de casse sur le matériel qu’il est prévu de renouveler, cela peut remettre en question la transaction commerciale déjà conclue.
2) Restitution des devis au groupe, avec indication du coût de revient prévisionnel
On restitue au groupe les devis reçus. J’accompagne cette présentation d’un calcul sur les coûts prévisionnels du matériel. J’effectue moi-même ce calcul sur tableur Excel ou avec l’appui de la fdcuma pour certains matériels. Ces calculs intègrent aussi le coûts des pièces de rechanges nécessaires. On prend soin aussi d’informer ceux qui ne peuvent pas assister à la réunion, des offres commerciales reçues. Ensuite, le groupe choisit l’offre la plus intéressante.
Il mentionne aussi les éléments de moindre importance susceptibles d’être négociés. Exemple: boules d’attelage, extension de garanties, prise en charge des frais de carte grise par le vendeur (ce qui arrive maintenant dans neuf cas sur dix), fourniture d’un compteur d’unités… Par contre, nous ne négocions pas auprès du vendeur le tarif proposé. C’est révolu le temps où l’on pouvait espérer grappiller in-extrémis 4 à 5% de remise.
Nous sommes particulièrement vigilants sur la durée de validité des devis valables généralement un mois. Cela peut être problématique en cas d’une demande de subvention dont l’accord peut intervenir que 2 à 3 mois après la demande. Or entre-temps, les prix des matériels peuvent se renchérir. Nous discutons de cette éventualité avec le vendeur avant de signer le devis.
3) Rédaction du bon de commande à deux, et le cas échéant sous conditions de subvention
Le commercial choisi se déplace ensuite à la cuma. Nous sommes toujours deux avec lui pour signer le bon de commande. Cela évite d’oublier éventuellement certains éléments, d’éviter les erreurs ou incompréhensions, et de pouvoir répondre le cas échant à des questions imprévues. Il s’agit de moi-même ou du trésorier qui avons tous les deux la signature. Ainsi qu’un autre adhérent, en priorité le responsable du matériel.
Nous mentionnons sur le bon de commande, «sous réserve de l’accord de subvention» lorsque l’achat du matériel est conditionné au versement d’une subvention.
4) Acheter du matériel: financement du matériel avec un prêt Agilor et de l’autofinancement
Nous sollicitions un crédit Agilor directement via le vendeur. Le prêt est débloqué au moment de la livraison et de la remise de la facture définitive. En cas de demande d’acompte, nous faisons le nécessaire pour que la somme demandée soit débloquée avant. J’observe que les demandes d’acompte sont désormais plus fréquentes aujourd’hui. Par prudence, nous n’achetons qu’avec des entreprises de notre zone géographique avec lesquelles travaillent déjà les adhérents et vis-à-vis desquelles nous avons confiance.
L’appel de capital social complète le besoin de financement nécessaire. Idem pour le montant de la reprise en cas de renouvellement de matériel. Nous profitons de l’appel de parts sociales pour que les adhérents concernés signent en même temps le bulletin d’engagement. En parallèle, la cuma acquitte la TVA exigible à l’achat. C’est financé sur la trésorerie de la cuma.
D’autre part, lorsqu’il est prévu une subvention dans le montage financier, on prévoit le décalage entre le moment où l’aide est accordée et le moment où elle est versée sur le compte. Si c’est une subvention accordée dans le cadre du plan de relance avec France Agrimer, c’est le concessionnaire qui assure temporairement le financement correspondant au montant de la subvention attendue. Si c’est un PCAE, nous contractons un prêt court terme avec la banque.
5) Livraison et mise en route du matériel en présence des adhérents
Avant de signer le bon de livraison, nous vérifions que le type et le modèle du matériel correspondent bien à ce qui a été commandé. Que tous les éléments soient bien montés car certains matériels arrivent en kit chez le concessionnaire. Nous prévoyons une mise en route avec le vendeur en conditions réelles. Sauf lorsqu’il s’agit d’un renouvellement de matériel de la même gamme et de la même marque. Lorsqu’il s’agit du concessionnaire à proximité c’est plus facile de caler une date. Lorsqu’il s’agit d’un inspecteur régional ou un démonstrateur, c’est plus difficile.
Les nombreuses demandes pour acheter du matériel agricole, les hausse des prix des matières premières, les pénuries de pièces ou de composants, compliquent le marché pour tout le monde. Nous nous efforçons malgré le contexte actuel de travailler dans un esprit de confiance avec les vendeurs sur la base du ‘donnant-donnant’ en préservant la qualité du relationnel. »
A lire aussi sur le même sujet:
Camacuma: une centrale d’achat de matériels agricoles.
Hausse des prix des matériels: attention au bons de commande.